A Paris, l’incubateur urbain « FAIRE » a lancé sa première promotion
A Paris, l’incubateur urbain « FAIRE » a lancé sa première promotion
Par Laetitia Van Eeckhout
Nouvel accélérateur de projets urbains et architecturaux urbains innovants, FAIRE a dévoilé, jeudi 27 avril, ses vingt-cinq premiers lauréats.
Conçu par Grégoire Zündel, un pont trampoline qui pourrait enjamber la Seine lors d’événements festifs et ludiques | Grégoire ZÜNDEL
« Wagon-mouche », briques en tissus recyclés ou échafaudages végétalisés : la promotion inaugurale de FAIRE, dont les projets ont été présentés jeudi 27 avril, ne manque pas d’idées. Il s’agit du premier incubateur, ou plus précisément du premier « accélérateur » de projets urbains et architecturaux innovants, lancé le 26 janvier par le Pavillon de l’Arsenal, l’Ordre des architectes, les écoles nationales d’architecture de l’Ile-de-France, le cycle d’urbanisme de Science Po, la Ville de Paris et la Caisse des dépôts.
« Un incubateur à proprement parler a pour objectif de favoriser la croissance de start-up. FAIRE a pour ambition d’accélérer l’éclosion d’innovations architecturales et urbaines, de faciliter la réalisation de prototypes, d’accompagner la recherche appliquée et de favoriser la mise en œuvre de nouveaux process, matériaux, programmes de construction ou services urbains, explique Alexandre Labasse, directeur du Pavillon de l’Arsenal (Centre d’information, de documentation et d’exposition d’urbanisme et d’architecture de Paris et de la métropole parisienne). S’il existe des incubateurs ou des accélérateurs de projets dans bien des domaines comme le sport, la gastronomie, la biologie, le tourisme ou la santé, aucun jusque-là n’était spécifiquement dédié aux projets urbains et architecturaux. » Or, l’investissement en recherche et développement dans l’urbanisme et l’architecture est très faible.
Architectes émergents ou confirmés, équipes pluridisciplinaires lancées dans une recherche ont été invités à déposer leur candidature. Le cahier des charges qui leur a été soumis était très ouvert : « Envie de changer la ville ? D’expérimenter de nouvelles pratiques urbaines ? De tester de nouveaux matériaux ? D’inventer l’habitat ou le bureau de demain ? ». En sept semaines, 243 projets ont été déposés, témoignant d’un foisonnement d’idées. Un comité d’une cinquantaine de personnalités, composé de bailleurs sociaux, d’aménageurs, de bureaux d’études, d’agences d’architecture et des services de la ville a expertisé l’ensemble de ces propositions.
Echafaudages végétalisés
Frédéric Leyre, Clément Carrière et Nicolas Didier proposent de végétaliser les échafaudages pour compenser les désagréments visuels et sonores des grands chantiers et lutter contre les îlots de chaleur. | F.LEYRE, C. CARRIERE, N. DIDIER
Les 57 premiers lauréats ont été invités à présenter leur dossier en 7 minutes et, au final, vingt-cinq projets ont été retenus. Ils couvrent un large spectre des mutations urbaines, avec une bonne dose d’imagination et un grain de folie, comme ce pont trampoline qui pourrait enjamber la Seine lors d’événements festifs et ludiques (Paris Plage, fête la musique, Nuit Blanche, 14 juillet, etc.). Dans la même veine, des étudiants en architecture ont conçu un « pavillon gonflable dynamique » modulable et éphémère : il peut être installé quelques jours ou quelques mois sur une place ou dans un parc. Pour égayer encore l’espace public mais aussi lutter contre la pollution visuelle, sonore et les îlots de chaleurs, un collectif de jeunes architectes et botanistes propose de recouvrir d’un rideau végétal les échafaudages et installations de chantiers afin de transformer ces structures métalliques en poumons verts.
Briques fabriquées à partir de tissus en coton recyclés
Clarisse Merlet propose de collecter des vêtements en coton abîmés pour les transformer en briques et les utiliser en parois ou assises partout où la ville en a besoin. | FRAB'BRIQUE
La créativité se manifeste aussi dans le choix des matériaux envisagés. Le collectif pluridisciplinaire Bellastock et le laboratoire CRATerre veulent réaliser un prototype de pavillon en terre crue issue des déblais de chantier. Etudiante en architecture, Clarisse Merlet a, elle, imaginé de recycler des vêtements en coton abîmés en briquettes pouvant servir de parois ou d’assises dans la ville. Pour rénover la chenille transparente par laquelle grimpent les escalators de Beaubourg, le jeune architecte Raphaël Ménard, mû par un élan patrimonial et écologique, suggère de réemployer les 3 700 m2 de vitrages cintrés qui la composent et de les transformer en petites serres.
Rame de métro transformée en Wagon-Mouche
Rame de métro de la ligne 6 que le collectif S’il te plait Architecture propose de transformer en « Wagon- Mouche ». | S'il te plait Architecture
Imagination toujours, en matière de nouveaux usages urbains. Que faire des locaux à vélos trop encombrés et mal organisés ? Les inventeurs de Veloptimo proposent d’optimiser l’espace et d’y installer un système de serrure électronique, mais aussi de créer un service de vélos partagés entre les habitants d’un même immeuble voire d’un même quartier. Tous les vélos rouillés, devenus inutiles ou abandonnés par leur propriétaire, seraient alors recyclés.
De jeunes architectes, usagers de la ligne 6 du métro – aérienne sur une bonne partie de sa trajectoire -, ont imaginé de faire d’une de ses rames un « wagon-mouche », pour découvrir ou mieux connaître les monuments historiques de Paris, mais aussi le tissu urbain, ses évolutions, son histoire, sa diversité, ses projets. Réaménagé, ce wagon serait doté de vidéoprojecteurs qui permettraient dans les tunnels de communiquer sur les lieux traversés.
Des halls d’immeubles aménagés en lieux actifs et partagés
Martin Jaubert et sa jeune agence MAJMA propose de faire des halls d’immeubles des espaces contributifs | MAJMA
Dans le domaine de l’habitat, une équipe propose d’utiliser les halls d’immeubles pour en faire des lieux actifs et partagés. D’autres jeunes architectes, plus radicaux, envisagent un nouveau type d’immeubles, constitué de petits appartements locatifs régis par un bail court avec des espaces partagés (laverie, salle de sport, de coworking, halte-garderie, jardins partagés…). Cette nouvelle forme d’habitat, baptisée Homy, pour Hommes for the Odyssey of Metropolitan Youngsters, permettrait de répondre aux attentes de la génération Erasmus, des travailleurs indépendants et des start-uppers qui changent fréquemment de ville, de job, de pays, mais sont confrontés aux prix élevés des loyers et aux contraintes actuelles du marché locatif.
En proche ou lointaine banlieue, IUdo se propose d’aider propriétaires au sein de zones pavillonnaires à vendre ou louer les mètres carrés constructibles de leur terrain, ce qui permettrait d’augmenter le revenu de nombreux ménages et dans le même temps les réserves foncières du Grand Paris.
L’accélérateur FAIRE s’adaptera à chaque projet en lui apportant un financement, un mentorat, une mise en relation avec des partenaires, l’accès à des ressources ainsi qu’un lieu d’expérimentation. « Bien des projets, aussi innovants soit-ils, insiste Marine de La Guerrande, vice-présidente de l’Ordre des Architectes d’Ile-de-France, ont besoin de peu de financement mais d’accompagnement. Et de se faire connaître. »