TV : « Un Français nommé Gabin »
TV : « Un Français nommé Gabin »
Par Daniel Psenny
Notre choix du soir. Yves Jeuland et François Aymé signent un portrait sensible et sans complaisance du pacha du cinéma français (sur France 3 à 20 h 55).
France 3 / Un Français nommé Gabin - extrait
Durée : 00:48
« Toujours pareil, jamais le même », disait Jacques Prévert à propos de Jean Gabin, légende d’un demi-siècle du music-hall et du cinéma. Avec ses yeux bleus que l’on ne découvrira que tardivement avec le cinéma en couleurs, ses accents faubouriens et ses tenues de prolo chic, Jean Gabin (de son vrai nom Jean Alexis Gabin Moncorgé) a été l’acteur dans lequel toute la France s’est reconnue. En plus de cinquante ans, il fut ouvrier, routier, déserteur, trapéziste, commissaire, malfrat, paysan, curé, président du Conseil et conducteur de locomotives – son rêve de gosse, que Jean Renoir lui offrit avant la guerre dans La Bête humaine.
« Enfant, Jean Gabin voulait devenir fermier et conduire des locomotives », expliquent dans leur commentaire Yves Jeuland et François Aymé, les deux auteurs du passionnant documentaire Un Français nommé Gabin. « Sa vie se confond avec l’histoire de France et du cinéma. Du Front populaire aux “trente glorieuses”, Jean Gabin incarne le pays, la France des villes et des champs de bataille, la France des fermes et des usines, la France des cafés et des épiceries, des ports et des faubourgs », poursuivent-ils.
"La Bete Humaine"
Durée : 01:10
Riche de nombreuses archives privées venues de la famille Moncorgé (dont de rares images en couleurs de Gabin avec lors de son exil aux Etats-Unis pendant la seconde guerre mondiale) et d’entretiens avec l’acteur, le film retrace avec délicatesse l’itinéraire d’un homme qui ne voulait en aucun cas être acteur et qui, finalement, est devenu « le patron » du cinéma français. « Il fallait bien gagner sa croûte », se justifiait-il.
Avec quatre-vingt-quinze films au compteur, Jean Gabin n’a pas tourné que dans des œuvres inoubliables. Mais, certains lui ont servi d’école d’apprentissage. C’est en 1935 avec La Bandera, de Julien Duvivier, qu’il devient l’acteur préféré des Français. Le succès aidant, il décide alors de choisir les films dans lesquels il veut travailler. Ainsi, après Duvivier, qui le fait tourner en plein Front Populaire dans La Belle Equipe (1936), puis dans Pépé le Moko (1937), Gabin rencontre Marcel Carné, Jean Grémillon, Jean Renoir. Une sorte de « nouvelle vague » du cinéma français entourée des meilleurs scénaristes de l’époque, tels Jacques Prévert et Charles Spaak.
Le Pacha - "Quand on mettra les cons sur orbite t'as pas fini de tourner"
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« Entre 1930 et 1934, Gabin fut la tête d’affiche de dix films qui, aujourd’hui, font partie des chefs-d’œuvre du cinéma français », soulignent les deux auteurs. « Cet immense acteur obtient les plus grands effets avec les plus petits moyens », disait de lui Jean Renoir, qui le fit tourner dans Les Bas-Fonds (1936), La Grande Illusion (1937), La Bête humaine (1938) et French Cancan (1954). Grâce à Marcel Carné, il est passé à la postérité avec Le Quai des brumes (1938), Le jour se lève (1939) et La Marie du port (1950), dont les décors étaient signés par Alexandre Trauner.
De sa période de guerre, où Gabin s’engagea dans les forces navales avant de rejoindre le général Leclerc, jusqu’à sa relégation (provisoire) comme acteur de seconde zone dans les années 1950, Yves Jeuland et François Aymé nous livrent un film emphatique mais sans complaisance. Ils rappellent ses fragilités, sa vie intime plutôt troublée et ses valeurs morales de gentleman-farmer qui, après mai 1968, le firent parfois passer pour un affreux réactionnaire au moment où il voyait son monde disparaître. Revenu au zénith avec les films d’Henri Verneuil, José Giovanni et Pierre Granier-Deferre, le 3 avril 1976, il ouvrit la première cérémonie des Césars. Il mourut en pacha quelques mois plus tard, à l’âge de 72 ans.
La dernière interview de Jean Gabin | Archive INA
Durée : 05:47
Un Français nommé Gabin, de François Aymé et Yves Jeuland (Fr., 2017, 105 min).