A Yerres, ville de Dupont-Aignan, des manifestants « désemparés » après son ralliement à Le Pen
A Yerres, ville de Dupont-Aignan, des manifestants « désemparés » après son ralliement à Le Pen
Par Enora Ollivier
Depuis samedi matin, le fief de l’ancien candidat à la présidentielle connaît des rassemblements quotidiens d’habitants de la commune et des environs.
Sur la place de l’église, les pavés sont bien lustrés, le petit manège de chevaux est sagement rangé sous une bâche. Yerres (Essonne), 29 000 habitants, est une ville proprette, qui n’a pas vraiment l’habitude des mouvements d’humeur. Depuis samedi 29 avril pourtant, le fief de Nicolas Dupont-Aignan connaît des rassemblements quotidiens d’habitants de la commune et des environs, qui viennent protester contre le ralliement de leur maire à Marine Le Pen.
Lundi, ils étaient quelque 600 à défiler dans les rues. Mardi 2 mai, une grosse centaine de personnes a fait le déplacement. « La France a mal, Yerres a mal, j’ai mal » ou « Yerres n’est pas une ville Front national, honte au maire », peut-on lire sur les pancartes bricolées. « On veut défendre notre région, ses valeurs », expliquent René-Paul et Henriette Spiegel, deux sexagénaires venus de la commune voisine de Brunoy.
Le rassemblement d’habitants d’Yerres et des alentours, mardi 2 mai. | Antonin Sabot / Le Monde
Nicolas Dupont-Aignan « trompe l’agglomération du Val d’Yerres, qui se retrouve mêlée à ça », regrettent-ils, craignant aussi que « cela donne un coup d’élan au FN dans la région, qui ne le mérite pas, encore moins que dans beaucoup d’endroits ». Ici, disent-ils, « c’est calme, paisible. Sans problème ».
« On est catalogués “extrême droite” »
Elu depuis 1995, le maire bénéficie de la confiance solide de ses administrés. Il n’a même pas eu besoin de second tour pour gagner les trois dernières municipales, l’emportant chaque fois avec plus de 76 % voix dès le premier tour. Mais le mot « trahison » est désormais sur beaucoup de lèvres.
« C’est extrêmement brutal, considère Danielle Develay, en se ralliant au FN, il entraîne avec lui des gens qui lui ont fait confiance et d’un coup se retrouvent devant le fait accompli, sont désemparés. »
« Il a renié tout ce que nous étions, déplore Laurette Pasquier, maintenant, quand on dit qu’on vient de Yerres, on est catalogués “extrême droite”. » Elle dit n’avoir « jamais voté » pour M. Dupont-Aignan, mais avoir « un certain respect pour lui ». Du moins jusqu’à la semaine dernière. « Il n’y a pas si longtemps, il disait qu’il était incompatible avec le FN. C’est un opportuniste, un vendu, lâche-t-elle maintenant. Yerres ou la France, il s’en fiche, ce qui l’intéresse, c’est juste un poste de premier ministre. »
Yvonne Aubertin, 83 ans, est venue protester contre le ralliement de Nicolas Dupont-Aignan à Marine Le Pen. | Antonin Sabot / Le Monde
« Le FN, c’est tout simplement impensable »
« Il a toujours voulu le pouvoir », appuie Yvonne Aubertin, qui est venue pour le quatrième jour d’affilée, une affiche « le traître enfin démasqué » à la main. « Je connais Nicolas Dupont-Aignan depuis vingt ans, il a toujours été là où il pouvait faire parler de lui », souligne cette femme de 83 ans, habitante de Yerres depuis 50 ans et militante associative de toujours. Mais là « c’en est trop, c’est une indignité énorme » : « Il se réclame du général de Gaulle, il en est tout le contraire. »
« Le FN, c’est tout simplement impensable », explique Julien Sol, 38 ans. C’est lui qui est à l’origine des premiers rassemblements : vendredi, quand M. Dupont-Aignan a annoncé son alliance avec Mme Le Pen, il a eu « une réaction épidermique » et lancé des invitations sur les réseaux sociaux – « S’il ne s’était rien passé, j’aurais eu honte. » Le jeune homme assure que ces rassemblements sont « apolitiques », « pas partisans », et répondent au besoin des habitants d’exprimer leur colère.
Sur la place, une poignée de personnes venues avec des autocollants « la France insoumise », le mouvement de Jean-Luc Mélenchon se sont d’ailleurs fait vertement accueillir. « Vous décrédibilisez tout ! C’est exactement ce que Dupont-Aignan veut ! », lance un homme aux militants, qui sont repartis rapidement.
Mardi soir, dans une interview donnée au Parisien, M. Dupont-Aignan a estimé que les manifestations étaient le fruit de « manipulations politiques et médiatiques d’une minorité agissante » : « Tous ces gauchistes qui viennent en bus protester devant ma mairie feraient mieux de protester contre M. Macron (…). Ce sont les idiots utiles du système. » Les manifestants comptent eux poursuivre le mouvement, au moins jusqu’à vendredi.