La Rotonde, Whirlpool, ralliements et débat… l’entre-deux-tours de Macron
La Rotonde, Whirlpool, ralliements et débat… l’entre-deux-tours de Macron
Par Service politique
Depuis sa victoire au premier tour de la présidentielle, le candidat d’En marche ! a dû assouplir en partie son discours. Retour sur ces deux dernières semaines de campagne.
Il est arrivé en tête du premier tour de l’élection présidentielle en réunissant 24,01 % des voix. Et il fait figure de favori pour le second tour qui l’oppose, dimanche 7 mai, à la candidate du Front national, Marine Le Pen. De son dîner à La Rotonde à sa rencontre mouvementée avec des salariés de l’usine Whirlpool d’Amiens, du ralliement de personnalités de tous bords à l’appel de Jean-Luc Mélenchon à « un geste » en direction des Insoumis, retour sur les moments forts de la campagne de l’entre-deux-tours d’Emmanuel Macron.
- Un début de campagne tâtonnant
C’est peu de dire que les heures qui ont suivi l’annonce des résultats du premier tour, le 23 avril au soir, ont suscité surprise et incompréhension. Il y a d’abord l’arrivée triomphante d’Emmanuel Macron, tout sourire, à la porte de Versailles, où l’attendent ses partisans. Le candidat d’En marche ! prend la parole pour un discours au ton victorieux, dans lequel il retrace son parcours, appelle à la constitution autour de lui « d’une majorité de gouvernement ». M. Macron aurait-il oublié qu’un second tour l’attend, face à un Front national qui vient de réaliser le résultat le plus important de son histoire ?
Emmanuel Macron, le soir du premier tour de l’élection présidentielle, à la brasserie La Rotonde, à Paris. | GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP
La suite de la soirée continue de semer le trouble, jusque dans son équipe. Le candidat se rend à La Rotonde, une brasserie du quartier Montparnasse, pour y fêter sa première place. Les caméras restées dehors captent, à travers les vitres, quelques instantanés de la soirée : la joie, le champagne débouché, la présence de « people » (Erik Orsenna, Stéphane Bern, Pierre Arditi, François Berléand, Line Renaud). Aussitôt, la comparaison est faite avec le Fouquet’s où Nicolas Sarkozy avait célébré sa victoire le 6 mai 2007 – un épisode qui l’a poursuivi tout au long de son quinquennat.
L’impression de flottement se prolonge le lendemain, quand M. Macron reste enfermé dans son QG jusqu’à 16 heures, avant de se rendre à une commémoration du génocide arménien. Pendant ce temps, Marine Le Pen laboure le terrain dans le Pas-de-Calais. « Je resterai le maître des horloges », prévient-il, agacé, le soir.
- Une campagne centrée sur les valeurs
C’est l’image qui a marqué la première semaine de campagne : le 26 avril, Emmanuel Macron est accueilli par les sifflets et les fumigènes par les ouvriers du site de Whirlpool d’Amiens, menacé de fermeture depuis l’annonce de la délocalisation de sa production en Pologne. Le terrain était miné, après la visite surprise de son adversaire à ces mêmes salariés, le matin. Mais, malgré un climat tendu à son arrivée, l’ancien ministre de l’économie a finalement réussi à instaurer un dialogue avec les ouvriers. Il a dénoncé, devant eux, les « promesses mensongères » de Marine Le Pen.
La confrontation à distance avec la candidate du Front national n’a pas été renouvelée. Du moins, pas sur ce terrain-là. Délaissant le champ du social, Emmanuel Macron a tablé sur une opposition plus classique avec le Front national et misé sur les valeurs.
Il a successivement visité Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne), village dont les habitants ont été massacrés par les nazis en 1944, et le Mémorial de la Shoah. Il a ensuite
1er-Mai : Macron rend hommage à Brahim Bouarram, tué en 1995
Durée : 01:12
- Un débat en forme de crash test
La confrontation entre les deux candidats a connu son point d’orgue lors du débat télévisé du 3 mai, qui a donné lieu à des échanges brutaux, ponctués d’invectives. Que valait Emmanuel Macron dans l’exercice du face-à-face, ce rituel des présidentielles françaises ? Le candidat était très attendu face à Marine Le Pen, qu’on supposait plus expérimentée. Et pourtant, la confrontation a tournée au désavantage de la candidate d’extrême droite qui est apparue très agressive et qui a aligné les contre-vérités. Face à elle, Emmanuel Macron a semblé maîtriser ses dossiers – et ses nerfs. Plus en retrait sur le volet terrorisme, il a dominé l’échange sur l’économie, pointant les nombreuses imprécisions de son adversaire. Si la politique n’est pas sortie grandie des deux heures et demie de débat, Emmanuel Macron a réussi à ne pas perdre de points, alors que son adversaire s’est parfois décrédibilisée.
- Des ralliements de toutes parts
Dès le soir du premier tour, M. Macron a enregistré les appels au vote en sa faveur de ses anciens adversaires, François Fillon (Les Républicains) et Benoît Hamon (Parti socialiste). Des personnalités des deux camps ont pris le même chemin : Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, Christian Estrosi, François Baroin, entre autres ; les membres du Parti socialiste, ainsi que le premier ministre Bernard Cazeneuve et l’ensemble du gouvernement. François Hollande a également annoncé, au lendemain du premier tour, qu’il voterait pour M. Macron.
A l’international, la candidature de l’ancien ministre a reçu le soutien de la chancelière allemande Angela Merkel mais aussi celui, plus inattendu, de Yanis Varoufakis, l’ancien ministre des finances grec. Et même, à trois jours du second tour, celui de l’ancien président américain Barack Obama.
- Pas d’inflexion dans le programme…
Accusé de nourrir le vote Front national en n’appelant pas ses électeurs à mettre un bulletin Emmanuel Macron dans l’urne au second tour, Jean-Luc Mélenchon s’est dit « insulté » par l’ex-ministre de l’économie, qui a selon lui « méprisé » la consultation lancée auprès des adhérents du mouvement La France insoumise. Il lui a ensuite demandé de faire « un geste » en direction des « Insoumis », « par exemple en retirant son idée de réforme du code du travail ».
Réponse catégorique de l’intéressé, lors de son meeting du 1er mai à Paris : « Les Françaises et les Français se sont exprimés et ont choisi le projet qui porte ces réformes, je ne vais pas les trahir en me reniant. (…) Donc ces réformes, nous les ferons. » « Je respecte Jean-Luc Mélenchon, je respecte ses électeurs, a insisté le candidat plus tard, au journal télévisé de TF1, mais je n’irai pas les chercher en changeant le programme que je porte. »
Emmanuel Macron a cependant concédé un léger infléchissement dans son programme et certifié qu’il pourrait revoir sa position sur le CETA, l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada. Ce texte, que M. Macron était le seul à défendre ouvertement parmi tous les candidats, fait l’objet de vives critiques sur l’ensemble de l’échiquier politique.
Assurant « entendre les doutes », le candidat a fait cette promesse :
« Je déciderai de nommer une commission d’experts, de scientifiques indépendants, pour dire ce qu’il en est exactement des conséquences environnementales, sur la santé, de cet accord, parce qu’il a été conçu à l’écart du processus démocratique. Je recevrai trois mois après mon élection, si je suis élu, ces conséquences et j’en tirerai toutes les conclusions. »
- … mais un pas vers les autres sensibilités
Emmanuel Macron le sait : s’il gagne, ce sera en partie parce qu’il constitue le seul choix face à Marine Le Pen, repoussoir pour beaucoup d’électeurs de droite comme de gauche. Un vote de circonstance, donc, et non d’adhésion.
Conscient de ce fait, le candidat d’En marche ! a peu à peu assoupli son discours. Le 1er mai, lors de son meeting à Paris, a salué à la fois « ceux qui sont là depuis le début à [ses] côtés » et « ceux qui [l’]ont rejoint, ceux qui ont pris leurs responsabilités ».
« L’avenir, je le construirai avec eux tous, à la fois en fidélité avec la promesse initiale du renouvellement mais aussi en étant conscient des circonstances de cette élection et en rassemblant largement. »
La déclaration montre une volonté de composer avec toutes les sensibilités, à la différence de Jacques Chirac qui, élu face à Jean-Marie Le Pen en 2002 avec 82,2 % des voix, avait composé un gouvernement exclusivement de droite.
Trois questions autour du programme d’Emmanuel Macron
Durée : 02:30