Christian Estrosi, un bilan mitigé à la tête de la région PACA, pour un mandat écourté
Christian Estrosi, un bilan mitigé à la tête de la région PACA, pour un mandat écourté
Par Gilles Rof
Les dix-sept mois de présidence ont été marqués par une communication forte et personnalisée, un pouvoir centralisé, une politique favorisant l’entreprise et une lutte verbale avec le FN.
Christian Estrosi a annoncé, lundi 8 mai, sa démission de la présidence de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur pour reprendre le poste de maire de la ville de Nice. | JEAN-PIERRE AMET / REUTERS
Christian Estrosi (Les Républicains, LR) a annoncé, lundi 8 mai, sa démission de la présidence de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, quelques jours avant de passer le cap des dix-sept mois à la tête de l’exécutif, conquis en décembre 2015. Une période très courte pour mettre réellement en place des réformes profondes dans une collectivité marquée à gauche pendant dix-sept ans et qui gère un territoire de près de cinq millions d’habitants. Pour Sophie Camard, tête de liste EELV-Front de gauche en 2015 :
« Il s’en va au moment où les choses sérieuses commencent, avec la mise en application de la loi NOTRe [nouvelle organisation territoriale de la République], qui redéfinit les compétences des régions et donne plus de responsabilité à leur président, notamment dans le domaine de la gestion des transports. »
Christian Estrosi à la tête de la région PACA, cela restera avant tout une communication forte et outrageusement personnalisée, symbolisée par les nombreuses photos en pied du « président » qui ornent les couloirs de l’hôtel de région, à Marseille, un pouvoir centralisé, une politique favorisant l’entreprise et visant une baisse du chômage, et, enfin, une lutte verbale sans merci avec le Front national (FN), prolongée tout au long de la campagne présidentielle.
Opposition très médiatisée avec le FN
Depuis décembre 2015, les passes d’armes exacerbées avec les représentants du FN, Marion Maréchal-Le Pen en tête, ont fait régner un climat délétère lors des séances plénières de l’assemblée régionale, sans forcément obtenir l’adhésion de tous les membres de la majorité LR/UDI. « Du grand théâtre », glissait ainsi désabusé, en mars, un conseiller régional LR marseillais, après que Christian Estrosi avait traité l’élu FN et militant identitaire Philippe Vardon « d’héritier de Goebbels ».
Dans ce combat très médiatisé, M. Estrosi a gagné une image de défenseur des valeurs républicaines, saluée à plusieurs reprises par le futur président de la République, Emmanuel Macron. Ce positionnement a, en partie, occulté l’importance de sa politique sécuritaire et certaines mesures très critiquées à gauche, comme l’arrêté voté en novembre 2016 pour s’opposer « par tous les moyens légaux » à l’installation de mille migrants en région PACA.
Volontariat sur l’économie
Christian Estrosi a d’entrée placé son mandat sous le signe de l’efficacité. En décembre 2016, un an après son élection, le premier bilan de son action estimait à 80 % le nombre de mesures adoptées sur ses 250 propositions de campagne.
Parmi les principales « paroles données, paroles tenues », son slogan alors : une baisse des dépenses de fonctionnement de la collectivité de 60 millions d’euros sur un budget de 1,36 milliard ; le regroupement des différentes aides aux entreprises dans un seul Fonds d’investissement pour les entreprises de la région (FIER), doté de 94 millions d’euros en 2016 et de 127 millions en 2017 ; le lancement de douze opérations d’intérêt régional pour soutenir des filières comme l’aéronautique ou l’industrie navale ; ou encore l’adoption d’un « Small business Act » pour monter à 70 % la part réservée aux entreprises régionales petites ou moyennes dans les marchés publics régionaux. Comme le salue Johan Bencivenga, président de l’Union pour les entreprises (UPE) des Bouches-du-Rhône :
« Nous avons senti des intentions louables et un dynamisme personnel de M. Estrosi dans ces dossiers économiques qui font désormais partie des compétences de la collectivité. Il a mis la région en ordre de marche, mais il est encore trop tôt pour tirer un bilan de son action. »
Réorientation des fonds régionaux
Les dix-sept mois de Christian Estrosi à la tête de l’exécutif en PACA lui ont permis de faire profiter plus largement la Côte d’Azur des fonds régionaux. Un « rééquilibrage », selon lui, après plusieurs décennies de prédominance marseillaise : « 360 millions d’euros ont bénéficié aux Alpes-Maritimes depuis mon élection, contre 100 millions en 2015, 160 millions d’euros ont bénéficié à Nice, contre 70 en 2015 », s’est-il ainsi félicité, lundi 8 mai, dans le communiqué publié à l’annonce de sa démission.
Autre fierté pour l’ancien champion moto, la négociation avec la Fédération internationale automobile (FIA), menée personnellement et en toute discrétion, qui permet le retour de la formule 1 en France pour 2018. Le Grand Prix de France au circuit Paul-Ricard, dans le Var, coûtera 14 millions d’euros aux collectivités locales par an. Mais M. Estrosi en estime les retombées à « 65 millions d’euros annuels et 500 emplois créés ou préservés ».
Une collectivité bousculée
S’il a maintenu d’excellentes relations avec les principaux acteurs culturels de la région – avec une augmentation du budget culture de 9 % en 2017 –, Christian Estrosi laisse un souvenir crispé aux organisations syndicales et aux personnels régionaux, dont beaucoup ont été recrutés sous la mandature socialiste de Michel Vauzelle.
La réorganisation des services et le retour au temps de travail légal, votés dès 2016, et que la CGT combat encore devant les tribunaux, laisse les personnels « dans un état de souffrance jamais atteint », selon Yves Couston, secrétaire général CGT à la collectivité. « Depuis l’élection de M. Estrosi, les conditions des salariés se sont dégradées sans que les embauches correspondantes soient réalisées », affirme le syndicaliste, qui, comme la FSU, majoritaire, s’alarme du moral des personnels.
Pas de réelle « tribune » offerte à la gauche
Christian Estrosi à la tête de la région PACA, ce sont aussi des dossiers vendus avec force, qui s’avèrent finalement moins clinquants que prévu. Ainsi le « plan de sécurité intérieure », pour lequel 250 millions d’euros sont investis, doit être révisé après des remarques du préfet de région contestant la compétence de la collectivité dans le domaine. Ou le bras de fer engagé avec la SNCF à propos des TER, qui n’a donné lieu à aucune amélioration du service sur les rails.
Dernier symbole d’un art de la communication qui ne se retrouve pas forcément dans les faits, l’échec de la conférence consultative régionale. Promise entre les deux tours des élections régionales, puis créée dès l’entrée en fonction de M. Estrosi, cette structure inédite devait donner une tribune aux listes de gauche battues au premier tour. Depuis, elle ne s’est réunie que deux fois. En janvier, Christophe Castaner, tête de liste PS aux régionales et désormais proche lieutenant d’Emmanuel Macron, a suspendu sa participation à l’initiative après l’avoir traitée de « simulacre ».