Qu’y a-t-il dans les « MacronLeaks » ?
Qu’y a-t-il dans les « MacronLeaks » ?
Par Damien Leloup, Martin Untersinger
Quinze gigaoctets de documents issus notamment de boîtes e-mail de membres d’En marche ! ont été publiés, suscitant plus de questions que de réponses.
Au quartier général d’En marche !, dans le 15e arrondissement de Paris, le 13 avril 2017. | CHARLES PLATIAU / REUTERS
Quinze gigaoctets de données, c’est la taille des fichiers mis en ligne vendredi 5 mai, quelques minutes avant la trêve électorale, par des pirates. Ces données – des dizaines de milliers d’e-mails et de documents – sont issues de plusieurs boîtes e-mail de victimes plus ou moins proches de l’état-major du mouvement En marche !. Il ne s’agit cependant pas, tant s’en faut, de l’intégralité du staff du président nouvellement élu, puisque seules cinq boîtes e-mails sont concernées.
D’ailleurs, tous leurs propriétaires ne sont pas haut placés dans l’organigramme du mouvement : l’une des boîtes e-mails appartient à une députée qui a rejoint les rangs de M. Macron en début d’année, une autre à un des premiers députés à s’être ralliés à En marche !. D’autres sont plus proches du candidat : le chargé de la coordination avec les experts ou le trésorier du mouvement. La boîte d’Emmanuel Macron n’y figure pas, même si quelques échanges avec lui apparaissent dans les fichiers piratés.
Difficile de dire quand ces messages ont été piratés. Dans le cas de certaines boîtes e-mails, les messages les plus récents datent de la mi-journée du 24 avril. Pour d’autres boîtes, ils remontent au début de mars, comme si les pirates avaient compilé des documents obtenus lors de différents piratages.
Le courrier professionnel de certaines victimes aboutissait sur leur boîte e-mail personnelle, mélangeant des informations relatives à la campagne présidentielle avec d’autres, personnelles ; ce qui confirme que la volonté des pirates n’était nullement de dénoncer d’éventuels errements de la campagne d’En marche !, mais bien de perturber les heures précédant le second tour de la présidentielle.
De nombreux extraits de documents, ou présentés comme tels, ont circulé sur les réseaux sociaux. Un message sous-entendant qu’une commande de cocaïne aurait été passée pour le futur chef de l’Etat ? Ce document n’existe pas. Ce courriel injurieux d’un cadre d’En marche ? Un faux grossier.
L’extrême droite américaine a joué un rôle de premier plan dans la diffusion des documents. Problème : elle ne sait pas lire le français et a propagé de fausses informations basées sur des e-mails trouvés dans les documents. Exemple flagrant lorsque, par exemple, le responsable du site qui a le premier relayé les documents lit un e-mail parfaitement anodin comme l’aveu d’une infiltration par En marche ! et par la police d’un groupe de militants socialistes. Même mécanique lorsqu’un membre éminent de la droite américaine en ligne croit voir dans la préparation d’un communiqué de presse en cas de mort de Jacques Chirac une « blague » de mauvais goût.
La quantité et le détail des e-mails rendus publics permettent d’exclure des faux à grande échelle. Quelques minutes après la publication des documents, la campagne d’En marche ! avait d’ailleurs reconnu avoir été victime d’un piratage. Y a-t-il, dans cette masse de données, et comme l’affirme En marche !, de faux documents ? Le responsable numérique de la campagne, Mounir Mahjoubi, a expliqué, dimanche soir, que ses équipes avaient fourni, à dessein, de faux documents à des pirates lors de tentatives d’intrusions repérées par En marche !. Interrogé sur France Inter jeudi 11 mai, il a également expliqué ne pas pouvoir confirmer si ces faux documents fournis aux pirates figuraient dans les documents publiés.
L’intéressant, c’est ce qui n’y figure pas
Ce qui frappe dans cette masse d’e-mails, dont Le Monde a épluché une partie, c’est ce qui n’y figure pas. On n’y trouve guère de mots plus hauts que d’autres, et peu de véritables discussions stratégiques. Lorsqu’on cherche « Whirlpool », par exemple, nulle discussion sur l’usine d’Amiens, mais des newsletters de l’enseigne Darty. Il semble que les discussions et les arbitrages majeurs de la campagne se soient faits ailleurs, dans d’autres chaînes d’e-mails qui n’ont pas été piratées ou par messagerie instantanée.