Côte d’Ivoire : le point sur la situation des mutins à Abidjan et à Bouaké
Côte d’Ivoire : le point sur la situation des mutins à Abidjan et à Bouaké
Le Monde.fr avec AFP et Reuters
Lundi soir, le calme n’est toujours pas revenu dans les deux plus grandes villes du pays agitées par les revendications des militaires.
Les mouvements de mutinerie qui troublent, sporadiquement, la Côte d’Ivoire depuis le mois de janvier se poursuivent, lundi 15 mai, à Bouaké (centre) et dans la capitale économique Abidjan, notamment, où des soldats mutins réclament le paiement de primes non réglées.
« Ce n’est pas un coup d’Etat. Nous voulons nos primes. Le président [Alassane Ouattara] a signé un papier pour dire qu’il était d’accord pour nos primes. Quand il paiera, on rentrera chez nous, a déclaré un porte-parole des mutins au camp du 3e bataillon d’infanterie de Bouaké, épicentre de la mutinerie. « On ira jusqu’au bout. On ne baissera pas les armes. Nous sommes les 8 500 qui avons porté Ouattara au pouvoir, on ne veut pas le faire partir mais il doit tenir sa parole. C’est simple. »
Lundi après-midi toutefois, le gouvernement a rappelé avoir « adopté une ligne ferme et qu’il la maintiendra », a déclaré à Reuters le porte-parole de l’exécutif, Bruno Koné. Il a ajouté qu’il n’y avait pas de négociations en cours, mais a fait état de « discussions qui se poursuivent ».
Ex-rebelles, nouveaux mutins
Ce contingent de Bouaké correspond aux anciens rebelles qui ont soutenu Alassane Ouattara pendant la crise électorale de 2010-2011 et qui ont ensuite été intégrés à l’armée. Ce sont eux qui avaient lancé les premiers mouvements de mutinerie en janvier.
Le porte-parole des mutins était entouré de soldats exhibant des armes neuves et des cartouches rutilantes et ponctuant les propos de leur camarade de rafales tirées en l’air. La situation était aussi tendue à Man (ouest), Bondoukou et Daloa (centre) où des tirs ont été entendus.
Alors que la situation à Abidjan avait été calme pendant le week-end, de nombreux tirs y ont retenti lundi matin en provenance des deux camps militaires d’Akouedo (est), formant la plus grande caserne du pays, selon une habitante qui réside entre les deux enceintes.
« Ils [le gouvernement] croient que c’est fini à Abidjan, ils vont voir… Akouedo, Gallieni, c’est nos frères, on est tous pareils. On a des téléphones, on se parle », avait souligné dimanche soir un des mutins de Bouaké. Les voies d’accès à Akouedo, et notamment l’une des principales artères de la zone – le boulevard François-Mitterrand, une autoroute urbaine –, étaient fermées, empêchant les habitants de l’est de la ville de se rendre au centre d’Abidjan.
Le lycée français Blaise-Pascal qui se trouve non loin de la zone a été fermé. « En raison de tirs au camp d’Akouedo et du blocage des carrefours alentour, les cours n’auront pas lieu aujourd’hui au lycée Blaise-Pascal et à l’école Jacques-Prévert. Il est recommandé d’éviter tout déplacement dans ce secteur », a prévenu le consulat de France.
La Banque africaine de développement (BAD) a demandé à ses employés de « rester chez eux et de ne pas bouger (…) la situation sécuritaire » n’étant « pas claire pour le moment à Abidjan ». Plusieurs entreprises ont aussi demandé à leur personnel de rester à la maison. Des tirs étaient également audibles en provenance du camp Gallieni, au Plateau (centre-ville), qui avait été l’un des points chauds de la journée de vendredi.
« Il faut payer ! »
Les mutins réclament les reliquats des primes promises par le gouvernement après les mutineries de janvier qui ont ébranlé le pays. A l’époque, ils avaient réclamé 12 millions de francs CFA de primes (18 000 euros) pour chacun d’eux – des sommes importantes pour le pays –, et obtenu le versement dès janvier de 5 millions (7 500 euros). On leur avait promis les 7 millions de francs CFA restants par tranche à partir de ce mois de mai.
Jeudi, un représentant de soldats avait annoncé renoncer aux revendications financières, lors d’une cérémonie en présence du président Alassane Ouattara et d’autres soldats, qui se voulait un point final à la protestation des forces de sécurité. Loin d’apaiser la situation, cette cérémonie a déclenché un nouveau mouvement d’humeur dans ce pays d’Afrique de l’Ouest durement touché par l’effondrement des cours du cacao, vital pour son économie et dont il est le premier producteur mondial.
« Tu connais quelqu’un qui renonce à 7 millions (10 000 euros) ? On nous a promis, il faut payer ! », a affirmé un mutin à Bouaké. « On ne sait pas si les délégués qui ont été envoyés à Abidjan [ceux qui ont annoncé renoncer au reliquat de primes] nous ont trahis, s’ils sont corrompus ou s’ils ont été pris en otage là-bas. Mais nous, on n’a pas renoncé. C’est clair », a affirmé le sergent Yacouba Soro, un mutin.