Le limogeage brutal, le 9 mai, du directeur du FBI, James Comey, puis les justifications à géométrie variable, et enfin les messages vindicatifs du président Donald Trump publiés sur son compte Twitter, constituaient la pire semaine vécue par la nouvelle administration depuis son arrivée à la Maison Blanche, le 20 janvier. Mais après deux journées seulement, il semblait fort possible, mardi 16 mai, que celle en cours la surpasse, du fait des révélations à répétition de la presse.

Vingt-quatre heures seulement après la publication, lundi, d’une première enquête du Washington Post affirmant que le président des Etats-Unis a divulgué des informations classifiées à une délégation russe, le 10 mai, le New York Times est passé à son tour à l’offensive, en fin d’après-midi. Et ses révélations ont pris une nouvelle fois de court la capitale. Et pour cause : elles sont les plus embarrassantes pour Donald Trump depuis sa prise de fonction.

Selon le quotidien régulièrement éreinté par M. Trump, ce dernier aurait en effet suggéré, le 14 février, à M. Comey d’interrompre une enquête visant son conseiller à la sécurité nationale, Michael Flynn, dont il venait d’obtenir la démission. Cet échange aurait fait l’objet d’une note rédigée par le directeur de la police fédérale aussitôt après son entrevue, dans le bureau Ovale de la Maison Blanche.

« J’espère que vous pourrez juger bon de laisser passer ça, de laisser Flynn. C’est un bon gars. C’est quelqu’un de bien. J’espère que vous pourrez laisser tomber », aurait déclaré M. Trump, selon la note de M. Comey. Ce dernier aurait éludé. « Je suis d’accord, c’est un gars bien », se serait contenté d’assurer le directeur du FBI.

Le bref échange entre les deux hommes se serait tenu au terme d’une rencontre à laquelle participaient également le vice-président, Mike Pence, et l’attorney general des Etats-Unis, Jeff Sessions.

Selon le New York Times, M. Trump avait demandé à toutes les personnes présentes de quitter son bureau, pour pouvoir s’entretenir en tête-à-tête avec M. Comey. La Maison Blanche a nié en bloc ces affirmations en assurant que le contenu de la note ne correspond pas à une « description juste ou honnête de la conversation entre le président et M. Comey ».

L’ancien général Michael Flynn avait été contraint à la démission pour avoir menti à M. Pence sur le contenu d’une conversation téléphonique avec l’ambassadeur de Russie à Washington, Sergeï Kislyek, en décembre 2016. Le conseiller à la sécurité nationale avait affirmé ultérieurement ne pas avoir évoqué les sanctions décrétées par Barack Obama contre Moscou en représailles aux piratages informatiques imputés à la Russie pendant la campagne présidentielle américaine. Le contenu de l’échange, objet d’une écoute de routine, avait prouvé le contraire.

M. Trump avait pourtant multiplié les propos louangeurs sur son ex-conseiller dans les jours qui avaient suivi son départ, concentrant son courroux sur les « fuites », publiées alors par le Washington Post, qui avaient entraîné sa disgrâce. Le président avait jugé qu’elles constituaient une menace pour les intérêts de l’Etat fédéral.

La multiplication de révélations embarrassantes pour M. Flynn, notamment de liens financiers avec la Turquie et la Russie qui n’avaient pas été déclarés auprès de l’administration comme c’est la règle, a conduit depuis la Maison Blanche à prendre progressivement ses distances avec l’ancien général.

Les révélations du New York Times sont potentiellement plus dévastatrices que les dernières controverses essuyées par l’administration Trump.

Le trouble qui a entouré le départ précipité de M. Comey a en effet été alimenté par des ratés de communication. La Maison Blanche l’avait imputé, dans un premier temps, au ministère de la justice avant que le président n’en revendique soudainement la paternité. Mais M. Trump était tout à fait fondé à mettre un terme au mandat de dix ans du directeur de la police fédérale.

De même, M. Trump était habilité à partager des informations classifiées concernant des projets d’attentats de l’organisation Etat islamique (EI) avec le ministre russe des affaires étrangères, Sergeï Lavrov. Cette divulgation peut cependant jeter la suspicion parmi les alliés des Etats-Unis. Selon la presse américaine, les éléments communiqués auraient en effet été fournis à Washington par Israël.

L’échange avec M. Comey dépasse en importance ces cafouillages, puisqu’il peut être potentiellement assimilé à une tentative d’obstruction visant la justice.

Citadelle assiégée

Prouver cette dernière ne serait cependant pas une partie facile. Le démenti de la Maison Blanche témoigne d’une volonté de nier catégoriquement les accusations du New York Times. Si la réalité de l’échange pouvait être prouvée, il faudrait encore démontrer l’intention de M. Trump de s’opposer à la procédure en cours, ce qui ferait probablement l’objet une longue guérilla judiciaire.

Mais l’onde de choc créé par les révélations de mardi risque d’attiser la curiosité du Congrès où M. Trump dispose d’une majorité de nature à contrecarrer pour l’instant toute tentative de destitution. Sont en jeu les motifs du limogeage de M. Comey, la note mentionnée mardi, et l’évocation énigmatique par M. Trump, publiée vendredi sur son compte Twitter, de l’existence d’enregistrements de ses conversations avec l’ex-directeur de la police fédérale.

Dans sa contre-attaque, la Maison Blanche peut de son côté présenter la divulgation de la note comme une vengeance après le limogeage, et rappeler que M. Comey n’a pas rendu aussitôt public le contenu de son échange avec le président. Elle a déjà rappelé qu’au cours d’une audition au Sénat, après le limogeage de son supérieur, le 11 mai, le numéro deux du FBI, Andrew McCabe, a assuré que la police fédérale n’avait fait l’objet d’aucune pression à propos de l’enquête visant la Russie et une éventuelle collusion avec des membres de l’équipe de campagne de M. Trump.

Le rythme des révélations témoigne en tout état de cause de la combativité d’une partie de la presse américaine face à un président avec lequel elle entretient les pires rapports. Elles sont rendues possibles par la multiplication des « fuites » qui alimentent les accusations des républicains les plus radicaux contre un « Etat profond » hostile à Donald Trump.

Les révélations de mardi sont intervenues alors que la Maison Blanche donnait déjà toutes les apparences d’une citadelle assiégée où les rumeurs de réorganisation ciblant des postes clef de l’entourage de M. Trump allaient bon train.