Quatre-vingt-sept cinéastes européens ont lancé, lundi 22 mai, à l’occasion du Festival de Cannes, un appel en faveur « d’une véritable politique culturelle en Europe ». Ce texte, qui formule des propositions concrètes, devait être remis aux représentants des autorités européennes présents sur la Croisette. Les réalisateurs souhaitent « moderniser » le modèle européen, « le rendre plus adapté aux attentes du grand public » et « redynamiser la création européenne face à la concurrence internationale ».

Parmi les propositions des cinéastes, figure « l’intégration des géants de l’Internet dans l’économie de la création européenne ». Ils demandent, sans les nommer directement, que Google, YouTube, Facebook ou Amazon financent le cinéma. « L’Europe doit fixer une ambition et assurer les conditions d’un jeu concurrentiel plus juste et durable entre tous ceux qui diffusent nos œuvres. Elle doit également assurer le principe d’une équité fiscale, et rapidement mettre en œuvre des engagements de financement et de diffusion vis-à-vis de la création européenne, sans possibilité de contournement. Elle doit enfin garantir une meilleure adéquation entre le lieu d’imposition et le lieu de diffusion des œuvres, comme c’est déjà le cas pour la TVA », assurent-ils. « L’Europe n’est pas un nouveau Far West, sans foi ni lois : elle doit veiller à appliquer les mêmes règles à l’ensemble des diffuseurs, plates-formes, sites de partage ou réseaux sociaux. »

« Maintien de la territorialité des droits »

Les réalisateurs plaident également pour le renforcement de la dotation budgétaire et du champ d’action du programme européen MEDIA, qui accompagne la création et la diffusion des films en Europe depuis vingt-cinq ans.

« Le financement et le développement des films européens doit être notre priorité », affirment les signataires. Ils plaident pour « le maintien de la territorialité des droits », qui « structure et garantit le haut niveau de financement des œuvres en Europe, en particulier pour les cinématographies les plus fragiles et les coproductions européennes ».

Au moment où le Parlement européen et le Conseil débattent d’un projet de directive sur le droit d’auteur, les cinéastes considèrent que « l’Union européenne doit assurer sur tout son territoire le même niveau de protection, et reconnaître un droit inaliénable à rémunération lorsque leurs œuvres sont exploitées sur des plates-formes en ligne ». Par ailleurs, ils estiment que l’UE « doit aussi encourager la transparence et la rémunération proportionnelle des auteurs au succès du film ».

« Développement d’outils de référencement des films »

A l’instar de l’industrie musicale qui a développé avec succès des offres légales visant à lutter contre le piratage, les cinéastes proposent, pour favoriser l’émergence de ces nouveaux modèles, d’accélérer le « développement d’outils de référencement des films » et d’encourager les coopérations entre les Etat membres.

Enfin, pour permettre de voir les films en salles, à la télévision, dans leurs déclinaisons numériques et sur tous les services à la demande, « les professionnels devront faire des efforts en ce sens pour renforcer la disponibilité des films », assurent-ils.

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Parmi les premiers signataires figurent les Allemands Fatih Akin, Volker Schlöndorff et Wim Wenders, les Britanniques John Boorman et Stephen Frears, les Belges Lucas Belvaux ainsi que Jean-Pierre et Luc Dardenne, l’Autrichien Michael Haneke, les Roumains Cristian Mungiu et Corneliu Porumboiu, le Polonais Jerzy Skolimowski, les Italiens Daniele Luchetti et Paolo Sorrentino ainsi que les Français Agnès Jaoui, Nicolas Philibert ou Bertrand Tavernier.