Attentat de Manchester : la politique sécuritaire britannique à l’épreuve
Attentat de Manchester : la politique sécuritaire britannique à l’épreuve
Par Philippe Bernard (Londres, correspondant)
Depuis des mois, les autorités répétaient qu’un attentat était « hautement probable ». Fin mars, Theresa May avait rappelé son engagement d’augmenter de 30 % les ressources de l’antiterrorisme entre 2015 et 2020.
« Nous avons la meilleure police et les meilleurs services de renseignements du monde », avait affirmé Amber Rudd, la ministre de l’intérieur britannique, quelques heures après l’attentat perpétré sur le pont de Westminster et devant le Parlement le 22 mars. Pour le Royaume-Uni, épargné ces dernières années par les attentats de grande ampleur à la différence d’autres métropoles européennes, la voiture folle conduite ce jour-là par un Britannique, Khalid Masood – un quinquagénaire converti à l’islam –, et faisant cinq morts et quarante-neuf blessés, avait constitué un cruel rappel à la réalité.
Alors que le Brexit met en question la coopération européenne antiterroriste, la tragédie de Manchester fait replonger le royaume dans le cauchemar toujours très présent dans les mémoires des attentats du 7 juillet 2005 dans le métro et des autobus de Londres, qui ont fait 52 morts et 784 blessés.
L’attentat de l’Arena de Manchester, non revendiqué, ne peut également que remémorer l’assassinat en plein Londres, par deux jeunes islamistes, du soldat Lee Rigby en 2013.
Depuis des mois, les responsables britanniques de la sécurité n’ont jamais caché la probabilité, voire l’imminence d’un attentat. En février, au moment de quitter ses fonctions pour partir en retraite, Bernard Hogan-Howe, chef de Scotland Yard, avait réuni la presse étrangère à Londres et confié que la question n’était pas de savoir s’il y aurait un attentat, mais quand.
En août 2014, lorsque le Royaume-Uni avait rallié la coalition contre l’organisation Etat islamique en Irak, le niveau d’alerte terroriste avait été porté d’« important » à « grave », le quatrième sur cinq échelons.
Les autorités répétaient qu’un attentat était « hautement probable », mais ce n’est que récemment que les contrôles à l’entrée des lieux publics se sont multipliés, sans être pourtant systématisés comme en France.
Embauche de 1 900 agents
Le débat s’est concentré sur la question du port d’arme par les forces de l’ordre, du fait qu’un policier non armé – comme c’est le plus souvent le cas – en faction devant le Parlement de Westminster avait été tué le 22 mars. Le gouvernement avait annoncé le déblocage de 114 millions de livres (131 millions d’euros) pour former et équiper un millier de policiers armés supplémentaires.
Au Parlement, le 23 mars, Theresa May avait rappelé son engagement d’augmenter de 30 % les ressources de l’antiterrorisme entre 2015 et 2020. Un budget de 2,5 milliards de livres (2,9 milliards d’euros) doit être alloué sur cinq ans « pour construire notre sécurité globale ». Il doit permettre l’embauche de 1 900 agents qui seront affectés au MI5 (renseignement intérieur), au MI6 (surveillance extérieure) et au Government Communications Headquarters (GCHQ, interceptions électroniques).
La première ministre avait alors promis de doubler le réseau antiterroriste britannique dans le monde. Depuis juin 2013, treize attentats ont été déjoués, avait-elle précisé.
Les autorités britanniques s’appuient sur une politique d’incitation à la collecte de renseignements locaux dans les « communautés », qu’il s’agisse des quartiers, des institutions scolaires, des associations ou des collectivités religieuses. La loi oblige tout agent public à dénoncer les comportements suspects.
Début mai, le conseil national des chefs de la police s’est félicité des 3 000 signalements par le public de suspicions de terrorisme depuis l’attentat de Westminster. Il s’agissait pour l’essentiel de fausses alertes, mais certains renseignements ont été exploités.