Les propositions de Terra Nova pour « protéger » davantage les coursiers
Les propositions de Terra Nova pour « protéger » davantage les coursiers
LE MONDE ECONOMIE
Dans un rapport qu’il prépare sur les transports de marchandise en milieu urbain, le think tank Terra Nova fait, notamment, des propositions pour mieux protéger les coursiers
Le Monde
Améliorer les conditions de travail et la protection sociale des auto-entrepreneurs qui livrent pour le compte des Deliveroo ou Foodora, sans pour autant fragiliser l’essor de ces plates-formes. C’est le délicat équilibre que tentent de trouver des chercheurs dans un rapport que publiera le think tank Terra Nova fin juin.
Terra Nova souligne que ce modèle social « radicalement nouveau » pose des problèmes de droit du travail (le statut des livreurs est « juridiquement dans une zone grise »), mais aussi de sécurité routière : les coursiers, souvent payés à la tâche, sont tentés de multiplier les courses au mépris du respect du code de la route.
Si les coursiers se mobilisent régulièrement pour demander une requalification de leur contrat en contrat de salarié, en raison des nombreuses obligations imposées par les plates-formes (rémunération non négociable, plages horaires contraintes…), Terra Nova estime qu’il ne faut pas répondre systématiquement favorablement à cette requête.
Cela « porterait le risque d’une fragilisation importante de ce nouveau secteur », qui n’a pas encore trouvé son « équation économique ». En revanche, il est nécessaire de « protéger » davantage les livreurs et de renforcer leur pouvoir de négociation, insiste le rapport.
Il faut donc, notamment, « veiller à une application pertinente » de l’article 60 de la loi travail, dite loi El Khomri. Celle-ci dispose que les plates-formes doivent mettre en place des assurances pour leurs coursiers et acquitter des cotisations pour leur formation. Sur ce point, Deliveroo a d’ores et déjà décidé, fin mars, de proposer gratuitement à ses coursiers une assurance responsabilité civile. Mais cela ne couvre que les dommages causés à autrui et non ceux que le coursier pourrait subir, pointent les organisations.
Entraves à la liberté de monter des syndicats
De son coté, Boris Mittermüller, directeur général Foodora France, souligne que ces droits nouveaux sont « une bonne chose », tout en s’empressant d’ajouter qu’il est impossible de les appliquer aujourd’hui. « On étudie la question, on rencontre les assureurs, mais eux non plus ne savent pas chiffrer une telle prestation », explique-t-il. Il faut donc attendre l’application de la loi, certains décrets devant entrer en vigueur en janvier 2018.
Cet article de loi prévoit aussi que les coursiers puissent se constituer en « organisation syndicale » et refuser collectivement de fournir leurs services, sans que cela soit un motif de rupture de contrat. Cette disposition semble, pour le moment, illusoire. En effet, les collectifs dénoncent de fortes entraves à cette liberté de monter des syndicats. Ils soupçonnent les applications de « déconnecter » les coursiers qui prennent part aux mouvements de protestation.
Terra Nova estime que le nouveau compte personnel d’activité, entré en vigueur en 2017, pourrait être abondé par les plates-formes en points retraites, formation et pénibilité, afin de renforcer la protection sociale des coursiers. Le think tank propose, enfin, de promouvoir des coopératives d’activité et d’emploi dans le secteur. Structures dans lesquelles se regroupent des coursiers et qui servent d’intermédiaires avec les plates-formes. Cela leur donne un cadre juridique et un statut d’entrepreneur salarié en CDI bien plus protecteur. Ce système a notamment permis aux coursiers belges de Take It Easy de percevoir leurs rémunérations lorsque l’entreprise a fait faillite, à l’été 2016, contrairement aux coursiers français.