Le leader travailliste Jeremy Corbyn, lors de son meeting jeudi 1er juin. | Stefan Rousseau / AP

« Nous sommes prêts. » A une semaine des élections législatives du 8 juin, Jeremy Corbyn s’est posé jeudi 1er juin en porteur d’une alternative crédible au gouvernement conservateur, y compris pour négocier avec Bruxelles un accord de sortie de l’Union européenne qui préserve l’économie et l’emploi des Britanniques. « Voilà mon équipe pour le Brexit : des gens sensés et intelligents, a-t-il déclaré en présence des trois ministres spécialisés du cabinet fantôme. Parmi eux, personne n’a menti au peuple britannique en promettant de financer les hôpitaux grâce au Brexit », allusion au slogan ravageur mais mensonger de la campagne pro-Brexit porté par Boris Johnson, aujourd’hui ministre des affaires étrangères.

Noyée dans une torpeur estivale, la grande salle du centre de loisirs de Pitsea bouillait déjà littéralement d’impatience depuis longtemps lorsque le leader du Labour a fait son entrée, arborant un air radieux et une confiance en soi qu’on ne lui connaissait pas. La chaleur a décuplé et les vivats ont été longs à décliner. Jeremy Corbyn, considéré voici encore dix jours comme un boulet y compris au sein de son parti, exulte. Sondage après sondage, le Labour, promis à la bérézina jusqu’à récemment, ne cesse de progresser. La dernière enquête d’opinion en date, publiée jeudi dans le Times, ne donne plus que 3 points de pourcentage d’écart entre les deux partis (42 % pour les Tories, 39 % pour le Labour). L’impensable – la mise en difficulté de Theresa May, voire la nomination de M. Corbyn comme premier ministre – n’est donc plus totalement exclu et les médias britanniques, longtemps condescendants, commencent à prendre M. Corbyn au sérieux : « Que direz-vous à Angela Merkel si vous l’appelez vendredi prochain de Downing Street ? »

Jusqu’à présent peu disert sur le Brexit, qui divise son électorat, le leader du Labour s’est présenté comme le mieux à même d’obtenir le « bon accord » avec l’UE dont Theresa May se fait la championne. Pas question pour lui de mettre en cause le choix des électeurs lors du référendum de 2016, mais « au lieu de fanfaronner et de surjouer l’animosité [comme Mme May], un gouvernement travailliste défendra un projet reposant sur les intérêts mutuels des Britanniques et des Européens ». Sans parler de « Brexit soft », M. Corbyn a confirmé que dans la négociation, son parti défendrait d’abord l’emploi en donnant la priorité au maintien de l’accès au marché unique européen plutôt qu’au contrôle de l’immigration européenne, comme le fait Mme May.

Theresa May décrite comme « faible et bancale »

Reprochant à cette dernière d’avoir « alimenté un climat empoisonné » en menaçant l’UE avant l’ouverture des discussions, il a affirmé qu’il chercherait au contraire à établir des relations de confiance avec les 27 en garantissant d’emblée le maintien des droits des ressortissants de l’UE établis au Royaume-Uni, ce que Mme May se refuse de faire.

Inversant le slogan de campagne de Mme May, qui se présente comme « forte et stable », il l’a décrite comme une dirigeante « faible et bancale », allusion à la volte-face qu’elle a dû faire sur une mesure phare mais très impopulaire de son programme social, et à son refus de participer à un débat télévisé avec lui. Mais surtout M. Corbyn a décrit la catastrophe que serait selon lui un échec de la négociation avec les 27, alors que Mme May répète que « pas d’accord vaut mieux qu’un mauvais accord » et laisse planer la menace d’une rupture brutale.

« Pas d’accord, c’est le pire des accords », a scandé le leader travailliste en décrivant les funestes conséquences qu’aurait selon lui un échec des négociations : le retour des droits de douane pour les exportations britanniques vers le continent et la délocalisation d’emplois. Et d’accuser Mme May de vouloir transformer le pays en « paradis fiscal aux bas salaires ». Devant une assistance conquise, Jeremy Corbyn a accusé la première ministre de marginaliser et d’isoler le pays, et présenté le Labour comme le parti de la main tendue à l’Europe. « Je ne votais plus depuis vingt ans car les blairistes disaient la même chose que les conservateurs, confiait à la sortie Thomas Doyle, 59 ans, chef d’entreprise et électeur de gauche depuis toujours. Aujourd’hui, grâce à Corbyn, nous sommes devant un choix clair. Jeudi, j’irai revoter Labour. »