Pour son rapport annuel sur les données 2016, publié mardi 6 juin, l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT) – l’agence de l’Union européenne chargée de collecter les données communautaires sur le sujet –, alerte sur une augmentation des risques de santé lié à l’usage des substances psychoactives, en particulier concernant les opiacés de synthèse.

L’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies est formel : en Europe (Union européenne, Norvège et Turquie), la mortalité par surdose, c’est à dire un décès à la suite de l’absorption d’une quantité de substance supérieure à celle que l’organisme peut endurer, est en hausse depuis trois ans, avec 8 441 décès en 2015, dernière année pour laquelle les données sont complètes. Soit une hausse de 6 % par rapport aux 7 950 décès par surdose enregistrés en 2014. Une tendance que l’on repère dans toute l’Europe et particulièrement dans les tranches d’âges supérieures (35-64 ans).

Parmi les pays les plus touchés par ces évolutions, on trouve d’abord l’Allemagne et le Royaume-Uni, qui se partagent 46 % des cas de surdose. Mais ce sont particulièrement les pays du Nord de l’Europe qui attirent l’attention : l’Estonie affiche par exemple 103 décès par million d’habitants entre 15 et 64 ans, la Suède 100 décès par million et la Norvège 76 décès par million. Des taux à comparer avec une moyenne européenne de 20,3 décès par million. La France présente de meilleurs chiffres, avec 7 décès par million d’habitants.

Ces résultats sont à prendre avec précaution, prévient l’OEDT: leur fiabilité dépend fortement des méthodes de collecte, d’enregistrement, de transmission et de codage des cas de surdoses dans les bases de données nationales, et surtout des sous-déclarations faites par certains pays.

Croissance ralentie des produits de synthèse

Une bonne nouvelle cependant : le rythme d’apparition de nouvelles substance psychoactives, à la hausse depuis une dizaine d’années, semble ralentir. En effet, 66 nouvelles drogues ont été détectées pour la première fois par le système d’alerte précoce de l’Union européenne en 2016. Ce sont 32 drogues de moins qu’en 2015, se félicite l’OEDT. Le travail de législation de certains pays européens a créé un environnement juridiquement plus contraignant et restrictif : pour Alexis Goosdeel, directeur de l’OEDT, « les réponses apportées au problème des nouvelles substances psychoactives, telles que l’adoption de nouvelles législations et de mesures ciblant les commerces qui vendent ces produits, peuvent avoir un effet sur l’apparition de nouvelles substances psychoactives sur le marché ». En dépit de ces signes positifs, la disponibilité globale des produits de synthèse reste élevée.

Bien que la part des opiacés demeure relativement faible dans la consommation globale de drogues, ces substances (l’héroïne et ses dérivés) sont les plus meurtrières et responsables à 80 % des décès par surdose. Plus particulièrement, l’émergence récente d’opiacés de synthèse à forte teneur en principe actif qui imitent les effets de opioïdes naturels est extrêmement préoccupante, prévient l’OEDT. Entre 2009 et 2015, 25 nouveaux opiacés de synthèse, dont 18 à base de fentanyls, ont été détectés.

Faciles à transporter, aisément dissimulables, les opiacés de synthèse peuvent, avec de faibles volumes, suffire à la fabrication de milliers de doses. Leur production est donc génératrice de profits colossaux tout en représentant des difficultés pour les services de lutte anti-drogues.

Le cannabis reste la drogue préférée des Français

En Europe, la prise de cannabis est cinq fois supérieure à celle d’autres substances : quelque 87,7 millions d’Européens âgés entre 15 et 64 ans en ont déjà consommé, soit 26,3 % de cette tranche d’âge. En France, où la consommation est particulièrement élevée, 40,9 % des 15-64 ans sont dans ce cas.

L’OEDT rappelle que les vingt-huit Etats membres de l’Union européenne ont développé des réponses diverses à l’égard de la vente et de la consommation du cannabis, oscillant entre « des modèles restrictifs et la tolérance pour certaines formes d’usage personnel ».

A ce titre, reprenant une promesse électorale d’Emmanuel Macron, le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, déclarait, mercredi 24 mai, que des contraventions pour réprimer l’usage de cannabis seraient mises en place « dans les trois quatre mois ». En instaurant une amende au lieu d’une éventuelle peine de prison et d’un passage devant un tribunal, Emmanuel Macron vise un allègement de la procédure mais aussi une « dissuasion proportionnée, immédiate et efficace ».

Dans son rapport, l’OEDT rappelle que si des évolutions réglementaires dans certains Etats des Etats-Unis ont suscité l’intérêt des responsables politiques et du grand public, les coûts et avantages de tels choix n’ont pas été évalués à ce stade. L’OEDT appelle en outre à la vigilance : l’existence d’un marché légal du cannabis génère « le développement de produits, tels que les vaporisateurs, les liquides pour cigarettes électroniques et les produits à ingérer ». Des produits qui peuvent présenter une forte teneur en principe actif.

En Europe, des « niveaux historiquement élevés » de teneur en principe actif ont été atteints ces dernières années, notamment en raison d’une « production domestique croissante » de cannabis.

Les jeunes Européens fument plus et boivent plus d’alcool que les jeunes Américains

Malgré une baisse générale de la consommation, l’écart de la demande d’alcool et de cigarettes entre l’Union européenne et les Etats-Unis se creuse. En 1995, 57 % des élèves de 15-16 ans déclarent avoir consommé de l’alcool dans le mois écoulé contre 39 % des élèves américains, soit un écart de 19 points. Vingt ans plus tard, cet écart est de 27 points, avec près de 50 % de buveurs chez les élèves européens contre 22 % aux Etats-Unis.

Un bilan similaire du côté de la cigarette. Les élèves scolarisés aux États-Unis et en Europe fumaient avec le même entrain en 1995 (31 % dans le mois écoulé, en Europe, et 28 % aux Etats Unis). En revanche, en 2015, le tabagisme des élèves américains a chuté à 6 % tandis que 23 % des jeunes Européens déclarent avoir fumé du tabac dans le mois écoulé.

Des résultats à mettre en regard avec le goût des jeunes Américains pour le cannabis, deux fois plus prononcé que celui des Européens (15 % contre 8 %).