• Aucun candidat de La République en marche n’est sous la menace de la limitation à trois mandats consécutifs
  • Cinq députés sortants ont embauché des membres de leur famille lors de la précédente législature
  • Plusieurs candidats sont visés par des enquêtes judiciaires

Premier grand texte du quinquennat, le projet de loi « pour la confiance dans notre vie démocratique » présenté par le ministre de la justice, François Bayrou, doit concrétiser les promesses d’exemplarité et de renouvellement du président Macron.

Mais les députés de La République en marche (LRM) qui seraient susceptibles de voter cette loi de moralisation de la vie publique sont-ils en phase avec ses grands principes ? L’enquête du Monde montre que ce n’est pas toujours le cas.

Le non-cumul des mandats

Conforme

Selon notre décompte, 121 des 525 candidats LRM ont actuellement un mandat exécutif local : on trouve un président (François Orlandi, Haute-Corse) et cinq vice-présidents de département, cinq vice-présidents de région, 73 maires et 38 adjoints au maire.

Ces candidats n’enfreignent actuellement aucune règle. Mais en cas d’élection, ils seront contraints d’abandonner leurs fonctions exécutives pour entrer à l’Assemblée nationale – une obligation nouvelle qui découle de la loi de 2014 sur le cumul des mandats.

Emmanuel Macron souhaite aller plus loin en interdisant le cumul temporel de plus de trois mandats successifs identiques. De ce point de vue, les 22 députés sortants de LRM n’ont aucun souci à se faire. Tous élus entre 2007 et 2015, ils n’en seront en cas d’élection qu’à leur deuxième ou troisième mandat.

La politique en famille

Quelques mauvaises habitudes

Le projet de loi Bayrou comporte des mesures très claires concernant le travail en famille : si le texte est adopté, les parlementaires, comme les ministres, auront interdiction de recruter des membres de leur famille.

Parmi les 22 députés sortants qui sont aujourd’hui candidats sous la bannière LRM, Le Monde en a cependant décompté au moins cinq ayant recruté comme collaborateur parlementaire un membre de leur famille lors de la précédente législature :

  • Patrick Vignal a employé sa fille Maryll ;

  • François-Michel Lambert a employé son épouse Marjorie Hagobian-Mazille ;

  • Jean-Louis Touraine a employé son épouse Sylvie Tomassini ;

  • Jean-Yves Caullet a employé son épouse Muriel Caullet-Vergès comme collaboratrice parlementaire ;

  • Monique Iborra a employé sa fille Sophie comme collaboratrice parlementaire – mais cette dernière a démissionné de ses fonctions en mars 2017 pour « être en cohérence avec les propositions d’Emmanuel Macron ».

Cette proportion d’adeptes de l’embauche familiale est supérieure à la moyenne (23 %, contre 18 % à l’échelle de l’Assemblée nationale).

Les activités de conseil

Douteux

Plus d’un candidat LRM sur huit (71) pratique des activités de conseil ou de « consulting ». Si la loi Bayrou était en vigueur, certains d’entre eux seraient inéligibles, car celle-ci prévoit d’interdire aux députés de commencer une activité de conseil dans l’année précédant leur élection, et les empêcher de conseiller les sociétés liées à des marchés publics.

Les soupçons judiciaires

Des affaires en cours

A notre connaissance, quatre candidats LRM sont visés par des poursuites judiciaires – sans que cela présage de leur culpabilité.

Richard Ferrand (6e du Finistère), député sortant et ministre de la cohésion des territoires, est dans la tourmente depuis les révélations du Canard enchaîné sur un montage immobilier qui a profité à sa compagne. Le parquet de Brest a ouvert le 1er juin une enquête préliminaire, qui devra notamment vérifier si M. Ferrand a enfreint le code de la mutualité. Malgré la multiplication des révélations sur ses pratiques passées, notamment par Le Monde, Richard Ferrand a été conforté par Matignon et l’Elysée.

Romain Grau (1re des Pyrénées-Orientales), ami de promotion de l’ENA d’Emmanuel Macron, est visé par une enquête préliminaire pour harcèlement moral sur les employés de l’entreprise de maintenance aéronautique qu’il dirige, comme l’a révélé France Bleu. « Je n’ai été ni informé, ni convoqué par la justice. Je me tiens bien sûr à la disposition de tous si c’est nécessaire », s’est-il défendu.

Emilie Guerel (7e du Var), professeure d’anglais, est visée par une plainte de son adversaire pour « escroquerie à l’assurance maladie ». Selon lui, elle s’est mise en arrêt maladie en décembre 2016 pour pouvoir faire campagne. Ce qu’elle a nié.

Marielle de Sarnez (11e de Paris), ministre des affaires européennes, est visée par une enquête préliminaire pour « abus de confiance ». L’eurodéputée FN Sophie Montel l’accuse d’avoir employé un assistant parlementaire fictif. Mais il s’agit surtout d’un contre-feu médiatique lancé par le FN, lui-même concerné par une enquête bien plus avancée sur ses assistants parlementaires. Marielle de Sarnez a porté plainte pour dénonciation calomnieuse contre Sophie Montel.

Houmria Berrada (2e du Nord) a quant à elle déjà été condamnée, en 2011. Elle avait écopé de huit mois de prison avec sursis pour avoir produit un an plus tôt un faux diplôme universitaire pour intégrer l’école des avocats de Lille. Si En marche ! avait fait du casier vierge une exigence pour tous les candidats, le parti a accepté de passer outre pour Mme Berrada, puisque cette condamnation a été effacée de son casier (comme toutes les peines avec sursis au bout de cinq ans). En revanche, plusieurs soutiens de sa campagne l’ont lâchée.

Dans un cas assez proche, Pierre Cabaré a subi une sanction bien plus sévère. Accusé avoir caché une vieille condamnation pour inéligibilité datant de 2003, il a été désinvesti de la 1re circonscription de Haute-Garonne… mais LRM n’a envoyé personne contre lui.

Les entorses à l’exemplarité

Plusieurs dérapages

Le président Macron a fait de la « probité » l’un de ses chevaux de bataille, au point de retarder la nomination du gouvernement de vingt-quatre heures. « On vérifie absolument tout, on est intransigeant là-dessus », expliquait l’entourage du président. Une intransigeance qui n’a pas été observée avec la même application lors de la publication des investitures.

Les propos homophobes d’Olivier Serva (1re de Guadeloupe), prononcés en 2012 sur un plateau de télévision, lors d’un débat autour du mariage pour tous, ont ressurgi fin mai. Il avait notamment qualifié l’homosexualité « d’abomination ». LRM a décidé de maintenir son investiture au motif qu’il s’était excusé.

A l’inverse, Christian Gérin et William Tchamaha ont tous deux été écartés de la liste LRM après la divulgation de propos jugés antisionistes.

Véronique Avril (2e de Seine-Saint-Denis) a été accusée par Mediapart de s’être comportée en marchande de sommeil, en louant un appartement insalubre à des locataires à Saint-Denis. Elle a été confortée par LRM après avoir admis avoir fait une erreur.

Khadija Moudnib (8e des Yvelines) a, quant à elle, été accusée de conflits d’intérêts, car sa société de soutien scolaire Format’Réussite a été financée à partir de 2013 par des fonds publics de réussite éducative, attribués dans des commissions où elle siégeait. Son association Eduquer pour réussir a également été subventionnée par la mairie où elle siégeait comme adjointe.

Alain Péréa (2e de l’Aude) a été épinglé en 2010 par la Chambre régionale des comptes (CRC) de Languedoc-Roussillon, qui a relevé qu’il avait été rémunéré 9 000 euros sur six mois pour rédiger une étude sur les harkis et le logement… qui n’a finalement jamais vu le jour. Celui-ci s’est défendu en expliquant qu’il avait effectué d’autres missions à la place, ce qui n’a pas convaincu la CRC, qui a souligné « l’inadéquation entre le contrat passé et la mission exercée ».

Bruno Bonnell (6e du Rhône) a utilisé une société domiciliée dans le paradis fiscal du Delaware (Etats-Unis) pour éviter de payer des impôts, selon une enquête de Médiacités Lyon.

Laetitia Avia (8e de Paris) a dû jongler avec les règles d’En marche ! pour pouvoir être candidate. En entrant en février dans la commission nationale d’investiture (CNI) du parti, cette jeune avocate s’excluait d’elle-même de la course aux législatives, car les membres de cette commission ne pouvaient s’auto-investir. Poussée par Emmanuel Macron à se lancer dans la bataille, elle a été discrètement exfiltrée quelques semaines plus tard de la CNI… et investie dans la 8e circonscription de Paris en avril.

Enquête sur les candidats de La République en marche

Favori des élections législatives depuis la victoire d’Emmanuel Macron à la présidentielle, La République en marche (LRM) présente pour la première fois des candidats à un scrutin national. Âge, études, métiers, passé politique, profils sur les réseaux sociaux... Le Monde a épluché la liste des 525 candidats soutenus par ce nouveau mouvement pour en analyser la composition.

Voici les principaux volets de notre enquête :

Enfin, toutes les données utilisées sont consultables ici.