La première ministre avait convoqué ces élections anticipées dans le seul but d’étendre sa domination à la Chambre des Communes en vue du Brexit. Elle a perdu son pari. | JUSTIN TALLIS / AFP

L’alliance entre la première ministre britannique Theresa May et le petit Parti unioniste démocrate nord-irlandais (PUD), une formation extrémiste protestante, se concrétise. « Nous pouvons confirmer que le [PUD] a donné son feu vert au principe d’un accord sur des grandes lignes pour soutenir le gouvernement conservateur », a fait savoir le porte-parole de Downing Street, samedi 10 juin.

A quelques jours de l’ouverture des négociations sur le Brexit, le soutien des dix élus PUD était indispensable pour offrir une courte majorité aux conservateurs de Mme May, qui ont subi jeudi un grave revers aux législatives.

Perte de terrain des conservateurs

La première ministre avait convoqué ces élections anticipées dans le seul but d’étendre sa domination à la Chambre des Communes en vue du Brexit. Mais plutôt que de gagner du terrain, les Tories ont perdu douze sièges pour se retrouver avec 318 députés, à huit longueurs des 326 requis pour avoir la majorité absolue.

D’où la nécessité absolue des dix sièges du PUD, parti régionaliste protestant ultra-conservateur, qui permettrait à Theresa May d’avoir le soutien nécessaire pour gouverner tant bien que mal.

Le nouveau Parlement siégera une première fois mardi, avant la cérémonie d’ouverture solennelle le lundi 19 juin, le jour prévu pour lancer les négociations sur le Brexit.

May en situation précaire

Samedi, les deux chefs de cabinet de Theresa May, Nick Timothy et Fiona Hill ont fait savoir qu’ils avaient présenté leur démission. Le premier, l’un des directeurs de cabinet de Theresa May et l’un des grands stratèges de la campagne des conservateurs pour ces élections, a publié une tribune sur le site Internet Conservativehome pour expliquer sa décision. « Clairement, le résultat des élections législatives fut une énorme déception ».

Fiona Hill et Nick Timothy conseillaient déjà Mme May lorsqu’elle était ministre de l’intérieur, entre 2010 et 2016. En tant que responsables de la campagne des tories, qualifiée de « catastrophique » par plusieurs députés conservateurs, leur position était devenue intenable.

Si Theresa May a elle-même refusé de démissionner, arguant d’un besoin de « stabilité » face à l’urgence du Brexit, les commentateurs s’accordent à dire que sa position reste éminemment précaire. Les dissensions au sein du Parti conservateur, déchiré entre les « Brexiteers » purs et durs et une frange plus europhile, risquent effectivement de rendre sa situation rapidement intenable.

Selon la députée conservatrice Heidi Allen, la première ministre ne reste en place pour l’instant qu’à cause du début imminent des négociations sur le Brexit. « Mais je ne la vois pas durer plus de six mois », pronostique-t-elle.

Questions sur le conservatisme du PUD

La dépendance vis-à-vis du PUD pose également son lot de questions, dont celle de la neutralité du gouvernement britannique en Irlande du Nord, une région toujours soumise à de fortes tensions, vingt ans après la fin des « troubles », comme a été baptisée le conflit nord-irlandais commencé dans les années 60.

Le conservatisme social du PUD, opposé au mariage des homosexuels et à l’avortement, fait lever des sourcils à Londres, mais aussi en Ecosse où Ruth Davidson, à la tête des conservateurs locaux, a d’ores et déjà posé ses conditions. « J’ai demandé à Theresa May l’assurance catégorique qu’en cas d’accord avec le PUD les droits de la communauté LGBT continuent à être respectés dans le reste du Royaume-Uni », a prévenu celle qui a prévu de se marier prochainement avec sa compagne irlandaise.

En remportant douze sièges en Ecosse, contre un seul précédemment, Ruth Davidson est devenue un personnage puissant avec lequel Mme May devra compter, mais dont les positions divergent sur plusieurs points avec celle du PUD. Sur le Brexit notamment, Ruth Davidson penche pour un Brexit moins dur que celui préconisé jusque-là par Londres.

De son côté, le PUD milite pour la sortie du marché unique, comme Mme May. Mais le parti unioniste « préfère éviter le scénario du pas d’accord vaut mieux qu’un mauvais accord », évoqué par la dirigeante, explique Stephen Booth, politologue du cercle de réflexion Open Europe. Le parti unioniste sera particulièrement attentif sur la question de la frontière entre nord et sud de l’Irlande, également une priorité pour Bruxelles.