En Finlande, la coalition au pouvoir se sépare de l’extrême droite
En Finlande, la coalition au pouvoir se sépare de l’extrême droite
Par Anne-Françoise Hivert (Malmö (Suède), correspondante régionale)
Le premier ministre rompt avec les Vrais Finlandais, désormais dirigés par l’ultra-radical Jussi Halla-Aho.
Le nouveau leader des Vrais Finlandais, Jussi Halla-Aho, devant le congrès de son parti à Jyväskylä , dimanche 11 juin. | LEHTIKUVA / REUTERS
Leur alliance aura duré à peine deux ans. Les centristes et conservateurs finlandais ont annoncé, lundi 12 juin, qu’ils rompaient leur coalition de gouvernement avec les Vrais Finlandais (populiste), après l’élection de Jussi Halla-Aho à la tête du parti, deux jours plus tôt. Le premier ministre centriste, Juha Sipilä, et son ministre conservateur des finances, Petteri Orpo, ont évoqué des « valeurs divergentes » et une « défiance » empêchant toute collaboration.
Réunis en congrès au nord d’Helsinki, les Vrais Finlandais, qui devaient choisir un successeur au leader historique du parti, Timo Soini, en poste depuis vingt ans, ont créé la surprise en élisant, à une large majorité, samedi 10 juin, le candidat le plus radical, Jussi Halla-Aho. Puis en nommant trois de ses fidèles aux postes de vice-présidents.
« C’est un putsch, constate le politologue Lauri Karvonen. Le parti a été détourné par sa frange la plus radicale, anti-immigration et anti-européenne. » En cause, les règles du vote : chaque militant, au congrès, disposait d’une voix. Sampo Terho avait beau être le favori des fédérations locales, il n’avait aucune chance. « Le camp le plus extrême a réussi à mobiliser le plus d’électeurs », note M. Karvonen.
« Rhétorique haineuse »
Göran Djupsund, professeur à l’université de Turku, évoque « une révolution de palais ». Pour lui, la rupture a été consommée lorsque Jussi Halla-Aho a annoncé, devant les militants, qu’il voulait se rapprocher des autres formations d’extrême droite en Europe, alors que les eurodéputés Vrais Finlandais sont associés depuis 2014 aux élus conservateurs britanniques et polonais.
« Le parti créé par Timo Soini était critique à l’encontre de l’establishment, mais ne remettait pas en cause les valeurs de la démocratie finlandaise », observe Lauri Karvonen. C’est donc, selon lui, une nouvelle formation qui a émergé du congrès de Jyväskylä : « Un parti extrémiste, xénophobe et nationaliste. »
Quelques heures après sa rencontre avec le nouveau leader, lundi matin, le premier ministre a justifié sa décision de rompre avec les Vrais Finlandais en raison « de différences qui sont devenues tellement importantes » qu’elles mettent en jeu la capacité d’agir du gouvernement.
Plus cinglant, le ministre des finances a constaté qu’« il avait fallu vingt ans à Timo Soini pour rendre les Vrais Finlandais capables de gouverner, et deux jours à Jussi Halla-Aho pour tout détruire ». Soulignant que le programme du gouvernement était basé sur des principes fondamentaux, tels que « le respect de la dignité humaine et la primauté du droit », il a martelé que son parti ne pouvait accepter « aucune forme de rhétorique haineuse ».
« Martyrs »
La décision de Jussi Halla-Aho de diriger sa formation depuis Bruxelles, où il siège en tant que député européen, représentait un autre point d’achoppement. « Nous prenons des décisions difficiles, il se passe des choses, et nous devons réagir. Il faut être présent, pas agir par procuration », a commenté Petteri Orpo.
Selon le quotidien Hufvudstadsbladet, les Vrais Finlandais risquent désormais de se présenter en « martyrs ». Jussi Halla-Aho, rappelle Göran Djupsund, n’a pourtant jamais caché qu’il préférait se retrouver dans l’opposition et « agir comme catalyseur, en espérant déteindre sur les autres ».
Dans les prochains jours, centristes et conservateurs vont tenter de former une nouvelle coalition, probablement avec le Parti populaire suédois et les chrétiens-démocrates. Ils devraient pouvoir compter sur le soutien au Parlement de quelques dissidents parmi les plus modérés des Vrais Finlandais, dont certains seraient déjà prêts à claquer la porte du parti. Les sociaux-démocrates et les Verts exigent, pour leur part, la tenue d’élections anticipées.