Emmanuel Macron et Theresa May, le 13 juin, à l’Elysée, à Paris. | Thibault Camus / AP

Editorial du « Monde ». Avec les négociations sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE), le fameux Brexit, on est assailli d’anglicismes : le Brexit sera-t-il hard  – « dur », comme le veut la première ministre Theresa May – ou soft – « doux », comme l’espèrent encore les Britanniques les plus europhiles ? A moins que l’on ne coure le risque de no deal, « absence d’accord », auquel affirme se préparer le négociateur européen Michel Barnier ? Qu’il soit permis d’ajouter un adjectif anglais décisif : fast. Quel qu’il soit, le Brexit doit être « rapide », et c’est là l’essentiel.

L’Union européenne ne peut être suspendue une éternité aux hésitations et tergiversations britanniques. Le Royaume-Uni, non plus, qui doit clore cette séquence ouverte par le référendum du 23 juin 2017, s’il ne veut pas être déstabilisé par les incertitudes politiques et économiques induites par la sortie de l’UE. Il en souffre déjà avec le retour de l’inflation, le ralentissement économique, l’inquiétude politique en Irlande du Nord et en Ecosse.

Le compte à rebours a commencé depuis que Mme May a activé le fameux article 50, qui organise, dans un délai de deux ans, la sortie d’un pays membre. Normalement, le 29 mars 2019, le Royaume-Uni aura largué les amarres avec le continent. C’est ce que les Britanniques appellent la « falaise » – le cliff. Faute d’accord conclu à cette date, ce sera le saut dans le vide, avec un pays redevenu simple membre de l’Organisation mondiale du commerce. Privé d’accès au marché intérieur européen. Bien sûr, il existe une possibilité de prolonger de deux ans la négociation. Ce n’est pas souhaitable. Surtout, il faut que les Britanniques avancent sérieusement, lorsque s’ouvriront formellement, à Bruxelles, les négociations de retrait, le 19 juin.

Trois dossiers compliqués

Il n’est pas question de « punir » les Britanniques, comme le laisse croire la presse d’outre-Manche, mais d’assumer ses choix. Les Britanniques vont devoir apprendre un nouvel art, celui de la négo­ciation avec des Européens décidés à ­défendre leurs intérêts vitaux, alors qu’ils avaient, quarante ans durant, presque tout concédé aux Britanniques pour les maintenir dans l’UE. La ligne de ­conduite stricte, fixée par Michel Barnier dans l’entretien accordé au Monde du 14 juin, et la pression européenne doivent être maintenues.

Les trois premiers dossiers à traiter sont épouvantablement compliqués. D’abord, la facture à acquitter par Londres, qui doit payer son solde de tout compte comme lorsqu’on quitte une copropriété. Ensuite, le sort des ressortissants britanniques sur le continent et des Européens de Londres : il faut trouver un moyen de leur garantir leurs droits acquis (retraite, santé, séjour…). Enfin, la question plus qu’épineuse de la frontière entre l’Ulster et la République d’Irlande, que nul ne veut rétablir… mais qu’il faudra bien rétablir.

Dans ce contexte, la défaite électorale de Theresa May est une mauvaise nouvelle. Elle fait sourire ceux qui se souviennent de la dissolution ratée de Jacques Chirac en 1997. Mais les deux parties ont besoin d’avoir une ligne de conduite claire et durable pour avancer. On continue de penser que le statut négocié avec David Cameron avant le référendum était idéal. On continue de trouver que le statut norvégien – accès au marché intérieur moyennant finance – est un moindre mal. Mme May n’en veut pas. Le Royaume-Uni doit confirmer ses choix, s’y tenir. Et partir. Vite.