Baccalauréat 2017 à Paris. | MARTIN BUREAU / AFP

Jeudi 15 juin, alors que des centaines de milliers de candidats au bac 2017 étaient en train de plancher sur l’épreuve de philosophie, la psychanalyste spécialiste de l’enfant Claude Halmos a répondu aux internautes du Monde lors du tchat « Comment accompagner mon enfant pendant les épreuves ? » Voici le compte rendu de cet échange.

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« Ma fille n’est pas du tout stressée pour le bac. Dois-je stresser ? »

Claude Halmos : Nous savons tous qu’on ne décide pas de stresser ou de ne pas stresser. S’agissant de cette jeune fille, tout le problème est de savoir ce que signifie son « absence de stress ». Est-ce une jeune fille qui a confiance en elle et qui sait qu’elle a suffisamment travaillé pour ne pas être obligée de s’angoisser outre mesure ? Ou bien est-ce une jeune fille qui pratique depuis longtemps une « décontraction » problématique ? Attitude qui, en général, est le fait d’adolescents qui n’ont pas encore réussi à comprendre les enjeux des études et des examens ? Je ne peux donc pas répondre à votre question. Mais je peux vous inviter à vous interroger en prenant en compte ce que vous connaissez depuis longtemps de votre fille, et qui vous permettra certainement de trouver la réponse.

« Mon fils n’arrive pas à dormir le soir avant l’épreuve. Avez-vous des conseils ? »

Claude Halmos : S’inquiéter avant une épreuve n’a rien d’anormal. Il est sûrement important pour aider un adolescent de parler avec lui avant qu’il aille se coucher, mais aussi dans la journée, de façon à ce qu’il puisse exprimer ce qui l’inquiète, et surtout échanger à propos de cette inquiétude. Cela ne lui rendra peut-être pas un sommeil magnifique, mais cela lui permettra de ne pas se sentir seul, envahi par des idées obsédantes qui lui tournent dans la tête et l’empêchent de s’endormir.

« Avec ses examens, mon fils est odieux, je ne sais pas comment faire pour l’apaiser ? »

Claude Halmos : Il faudrait d’abord savoir si ce jeune homme s’autorise de façon générale à être « odieux » à chaque fois qu’il a un problème, ou si c’est particulier à la situation d’examen. Si c’est le cas, il faudrait essayer de discuter calmement (en dehors des moments de crise) avec lui pour qu’il exprime ses inquiétudes. Mais il faudrait surtout lui expliquer que le fait d’être angoissé n’autorise personne (adulte, adolescent ou enfant) à se servir des autres comme d’un punching-ball sur lequel on déverse sa rage.

Donc la première chose pour « apaiser » ce garçon est de lui rappeler cette règle de la vie civilisée. Ce rappel ne lui fera peut-être pas plaisir, mais il sera structurant pour lui, car le principe de l’angoisse est qu’elle fait tout vaciller dans la tête. Le rappel d’un cadre précis est donc toujours rassurant, parce qu’il ramène à la réalité : on n’est pas dans un film de guerre où toutes les catastrophes et toutes les agressions sont possibles. On est dans la réalité où les problèmes peuvent être angoissants, mais ne sont jamais insolubles. Donc : on se calme !

« Mon petit frère est un adepte des médicaments avant et pendant les examens. Faut-il en prendre ? Et la médecine douce ? »

Claude Halmos : La prise de médicaments devrait toujours être limitée aux cas où ils sont absolument nécessaires. Dans le cas de l’angoisse avant un examen, ils ne le sont pas. Et ils le sont d’autant moins que ce n’est souvent pas le médicament en tant que tel qui agit pour celui qui le prend, que l’idée qu’il a, grâce à ce médicament, un point d’appui extérieur à lui, supposé lui permettre d’affronter une situation qu’il s’imagine ne pas pouvoir affronter avec ses propres forces. Ce qui est faux.

Donc, à la place du « médicament illusion », mieux vaut recourir aux méthodes qui ont fait leurs preuves depuis longtemps : les tisanes par exemple. Elles sont d’autant plus efficaces qu’on peut les prendre avec un frère, une sœur, un ami, des parents, avec qui on peut parler, se rassurer, échanger de l’affection, ne plus se sentir seul.

« Bonjour, mon fils est en pleurs depuis deux jours et hier durant trois heures, malgré de bons résultats toute l’année, plus rien ne rentre ni ne sort de sa tête et est persuadé de totalement louper son bac, peut-on assimiler cela à une déprime ? »

Claude Halmos : Et si on évitait les grands mots ? Et les diagnostics qui font peur à tout le monde et n’avancent à rien ? Votre fils a sûrement beaucoup travaillé, il a envie de réussir et il a peur d’échouer, ce qui n’a rien de pathologique. Sa souffrance semble peut-être un peu plus importante qu’il ne le faudrait, mais elle est sûrement majorée par la fatigue qu’a constitué pour lui la préparation de l’examen : il « craque ».

Il est possible aussi que ce garçon ait, de façon générale, un manque relatif de confiance en lui, ou un désir de trop bien faire. Auquel cas il faudra y réfléchir et l’aider dans l’avenir. Dans l’immédiat, discuter avec lui, lui proposer une sortie, l’emmener au MacDo, est sûrement plus important que de l’affoler en pensant qu’il souffre de troubles psychologiques graves.

« Ma nièce a sa propre technique de relaxation : elle se persuade qu’elle ne réussira pas, pour enlever tout stress. Elle estime alors n’avoir “rien à perdre” et aborde les examens sereinement. Recommandez-vous cette technique, un peu particulière ? »

Claude Halmos : Cette jeune fille semble avoir beaucoup d’imagination et des capacités artistiques certaines. L’important est qu’elle ait trouvé une méthode qui lui convient. Nous pouvons la féliciter pour son inventivité.

« La formule courante : “Tout le monde a le bac” est, selon mon fils, plus anxiogène que rassurante. Comment faire pour accompagner raisonnablement, en prenant en compte aussi l’échec, et non seulement la réussite obligatoire ? »

Claude Halmos : Je vous remercie de cette question, car il est vrai que cette formule qui traîne partout “Tout le monde a le bac” est plus problématique qu’il n’y paraît. D’abord elle ne dit pas la vérité, car on sait que tout le monde n’a pas le bac. Mais surtout elle tend à sous-estimer totalement ce qu’est le bac. C’est-à-dire un examen qui suppose que l’on ait acquis des connaissances et donc beaucoup travaillé. L’élève qui l’entend se voit donc, de fait, nié dans ses efforts, et renvoyé à l’idée de quelque chose que tout le monde pourrait avoir comme on a un nez au milieu de la figure. Ce qui signifie qu’à ne pas l’avoir, on serait en position d’anormalité.

Bien évidemment, cela renforce la peur de l’échec puisque cela rend l’enjeu colossal. Si, en ratant mon bac (ce qui peut arriver à tout le monde, même aux meilleurs élèves), je deviens un être anormal, comment supporter l’idée que je pourrais échouer ? Il faut donc expliquer aux élèves la réalité : tout le monde n’a pas le bac, et on peut d’ailleurs être quelqu’un de très bien sans avoir le bac. Mais, dans l’état actuel du marché du travail, il est important de l’avoir, car il ouvre la porte à la possibilité d’acquérir d’autres diplômes. Il faut donc travailler, se sentir fier des efforts que l’on fait et fier de sa réussite. Discussion avec les élèves, qui leur permet d’apprendre à relativiser les supposées vérités qu’ils peuvent entendre ici ou là.

« Après le bac, mon fils va aller à la fac. Comment l’accompagner dans ces études où il sera beaucoup moins encadré ? »

Claude Halmos : En lui apprenant l’autonomie. Et en l’aidant à s’organiser. Nous touchons, au travers de ce problème, à la question centrale de l’éducation. Les parents doivent en effet, tant qu’ils ne peuvent pas le faire eux-mêmes, « porter » puis « soutenir » leurs enfants. Mais ils doivent toujours le faire avec l’idée que ce soutien a pour but de leur permettre de devenir capables un jour de se soutenir tout seuls.

Il faut donc aider un étudiant s’il en manifeste le besoin dans sa découverte du fonctionnement de l’université et du travail qui y est demandé. Il faut l’inciter à chercher l’organisation qui va lui permettre, à lui, de travailler, mais il faut aussi pouvoir accepter qu’à certains moments il dérape, qu’il ne fasse pas les choses aussi parfaitement qu’il les aurait faites avec l’aide de ses parents et même qu’il échoue. Il n’existe pas d’apprentissage sans échec. Et l’échec est toujours positif quand on aide celui qui a échoué à comprendre pourquoi il l’a fait et comment il peut redresser la barre. Vous avez soutenu les premiers pas de votre fils dans l’espace quand il était petit, il faut maintenant soutenir ses premiers pas dans ce début de vie sociale adulte qu’est la vie à l’université.

Un dernier mot ?

Claude Halmos : Merci à tous pour ces questions. Félicitations aux élèves qui passent le bac, et aux parents qui les accompagnent jusque dans leurs angoisses ! Et, si je peux me permettre un conseil à tous : celui d’organiser une super-fête à la fin des épreuves !

Bac 2017 : Le Monde Campus accompagne les lycéens, de l’examen jusqu’aux résultats

Le Monde Campus accompagne les candidats au bac 2017 (bac S, bac ES, bac L et bac STMG), depuis les révisions jusqu’aux résultats, le 5 juillet.

Durant l’examen, du 15 au 22 juin, nous publions chaque jour les sujets dès qu’ils sont rendus publics, une heure et quinze minutes après le début de l’épreuve, ainsi que leurs corrigés en vidéos, en partenariat avec Les Bons Profs.

Vous retrouverez dans l’article ci-dessous, qui sera régulièrement actualisé : toutes les infos pratiques (dates et calendrier complet des épreuves, coefficients) ; des sélections de sites Web, des conseils de révisions et de méthodologie dans les différentes matières, et, pour s’entraîner, des quiz et les sujets présentés au bac 2016 et en avril 2017 à Pondichéry.

Après notre « live » de révisions à J-15, et notre direct du premier jour du bac, jeudi 15 juin, nous vous donnons aussi rendez-vous pour une journée spéciale des résultats du bac, mercredi 5 juillet.

Voici quelques incontournables à lire : les sujets complets de philosophie, leur analyse par une professeure, ainsi que leurs corrigés vidéo, les sujets complets du bac français, les corrigés vidéo, ainsi que notre reportage à l’entrée et à la sortie de l’épreuve.

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