La belette, la pie ou la fouine ne sont plus des espèces nuisibles… dans certains départements
La belette, la pie ou la fouine ne sont plus des espèces nuisibles... dans certains départements
Par Rémi Barroux
Le conseil d’Etat a annulé l’arrêté de classement des espèces « nuisibles » pris en 2015. 2015. Belette, pie bavarde, corbeau freux, fouine ou encore corneille noire vont sortir de la liste des nuisibles dans certains départements.
C’est une petite victoire, mais une victoire quand même. En décidant d’annuler l’arrêté de classement des espèces « nuisibles » pris par le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie le 30 juin 2015, le Conseil d’Etat a, en partie, donné raison à trois associations de défense de l’environnement, France nature environnement (FNE), Humanité et biodiversité (HB) et l’Association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS) qui avaient déposé des recours.
Grâce à cette décision des magistrats, rendue publique mercredi 14 juin, la belette, le putois, la fouine, l’étourneau sansonnet, la pie bavarde ou encore le corbeau freux et la corneille noire ne sont plus inscrits sur la liste des espèces nuisibles dans un certain nombre de départements. L’arrêt du Conseil d’Etat ne vaut pour autant pas sauvegarde pour ces animaux à l’échelle nationale. Quatorze recours ont été jugés recevables sur la cinquantaine déposée.
C’est en effet le préfet, dans chaque département, qui dresse la liste de ces espèces sur la base de deux éléments : l’état de l’espèce visée dans le département, « lorsqu’elles sont répandues de façon significative », et les dégâts qu’elles sont susceptibles de causer. A charge pour lui de présenter un état de la population pour chaque animal et d’évaluer s’ils « sont susceptibles de porter atteinte aux intérêts protégés », notamment ceux des agriculteurs.
Bestiaire départemental
Vingt-cinq départements sont ainsi détaillés dans l’arrêt du Conseil d’Etat, avec, pour certains d’entre eux, la situation de plusieurs espèces étudiées. Un véritable bestiaire départemental où, dans la majorité des cas, les magistrats ont estimé que le préfet n’avait donc « pas méconnu » les règles du Code de l’environnement ni « commis d’erreur d’appréciation ».
Ainsi pour certaines petites bêtes, mammifères ou oiseaux, il ne fera plus bon vivre dans l’Ain, l’Allier, les Alpes-de-Haute-Provence, le Calvados, le Cher, les Côtes-d’Armor, le Finistère, l’Indre-et-Loire, la Loire, la Haute-Loire, la Loire-Atlantique, la Lozère, le Maine-et-Loire, la Mayenne, la Moselle, le Pas-de-Calais, le Puy-de-Dôme, la Seine-et-Marne, la Haute-Vienne, l’Yonne, et le Val d’Oise.
Au contraire, voici les départements où il est vivement conseillé que les espèces visées déménagent, c’est-à-dire là où le Conseil d’Etat a décidé d’annuler l’arrêté ministériel, soit « la liste, les périodes et les modalités de destruction des espèces d’animaux classées nuisibles ». Une chance pour la pie bavarde qui peut retrouver la sérénité dans huit départements (Aube, Aude, Haute-Loire, Meurthe-et-Moselle, Nièvre, Hautes-Pyrénées, Haut-Rhin, Var), la corneille noire et le corbeau freux en Haute-Loire, la fouine dans la Marne et en Savoie, la belette en Moselle et l’étourneau sansonnet en Haute-Vienne.
La situation est parfois plus complexe avec des départements comme la Moselle, par exemple, qui évacue de la liste des nuisibles la belette mais où les magistrats confirment ce statut pour la martre et le putois. En Haute-Loire, la martre est déclarée indésirable, mais plus la pie bavarde, la corneille et le corbeau freux.
A l’inverse, la belette voit son entrée dans la liste des espèces « nuisibles », sur requête de la Fédération des chasseurs départementale, dans le Pas-de-Calais. Idem pour la fouine en Vendée.
Ce puzzle complexe est parfois difficile à décrypter, d’autant que les populations d’animaux peuvent être difficiles à établir et les dégâts délicats à prévoir. Dans certains cas, le chiffrage semble précis : ainsi, dans le Finistère, l’arrêt du Conseil d’Etat fait état de « dégâts aux élevages avicoles s’élevant à plus de 10 000 euros, pendant la période 2011-2014 », dégâts attribués à la fouine.
« Délit de sale gueule »
Mais, s’agissant de l’Ain, la martre et le renard, visés par le recours des associations, y seraient « susceptibles d’y causer des dommages importants aux quelque 350 élevages avicoles que compte le département ». Sans autres dégâts dument constatés. Un « délit de sale gueule » en quelque sorte, pour Dominique Py, en charge du dossier faune sauvage à FNE. « La bonne nouvelle reste que, dans les départements où nous avons eu gain de cause, ces espèces ne pourront plus être piégées ou détruites, puisque l’arrêté ministériel est annulé », se réjouit-elle. Le nouvel arrêté que devra prendre le ministère sera sans nul doute attaqué de la même manière devant le Conseil d’Etat, annonce Dominique Py. Cet arrêté qui définit la liste des espèces nuisibles est valable durant quatre ans. Le prochain devait être pris en 2019.
Mais, au-delà de cet inventaire, c’est le concept d’espèce nuisible que veulent remettre en cause les associations. « Il n’a pas de sens en biologie, car toutes ces espèces jouent un rôle utile dans les écosystèmes », expliquent FNE et HB, dans un communiqué commun, vendredi 15 juin. Ainsi les petits prédateurs (fouine, belette et martre) sont des « auxiliaires précieux de l’agriculture, car ils contribuent à réguler les populations de rongeurs ». La loi du 8 août 2016, pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, a d’ailleurs banni le terme de « nuisibles », rappellent les associations, au profit de « animaux susceptibles d’occasionner des dégâts ».
Pour Sandrine Bélier, ex-députée européenne écologiste et directrice d’Humanisme & Biodiversité, se pose aussi la question des moyens dédiés à la biodiversité. « Avant, le recensement des espèces était réalisé par le Muséum national d’histoire naturelle. Il n’en a plus les moyens et ce sont les associations qui font ce travail indispensable, avec des bénévoles, des naturalistes qui vont répertorier les espèces sur le terrain, explique Sandrine Bélier. Il faut leur accorder plus de moyens. »