Paysages Bordeaux 2017 : Hamid Ben Mahi met la ville au rythme du hip-hop
Paysages Bordeaux 2017 : Hamid Ben Mahi met la ville au rythme du hip-hop
Par Rosita Boisseau
Le chorégraphe bordelais a imaginé un rendez-vous itinérant dans la métropole, avec la complicité du collectif Get Up.
Un village au cœur de la ville. Une poche de résistance comme une fête. Une bulle d’atmosphère avec tentes, food trucks, cours de danse, DJ à l’envie et grand bal pour se mélanger les pinceaux la nuit venue. Bienvenue au Get Up Village, imaginé par le chorégraphe hip-hop Hamid Ben Mahi pour la saison culturelle Paysages, qui lui a offert une carte blanche. Sur un puzzle de tapis orientaux, ce rendez-vous estival itinérant, dont la première session aura lieu samedi 1er juillet (placette Munich de 14 heures à 23 heures), ouvre grands les bras à tout un chacun, pieds nus ou en chaussettes, entre pique-nique à la bonne franquette, « block party » à l’américaine et plongeon, tête la première, dans tous les styles hip-hop avec la complicité du collectif Get Up.
Besoin d’ambiance douce, envie de chaleur humaine ? Le chorégraphe, à la tête de la compagnie Hors Série depuis 2000, repéré pour ses spectacles engagés, semble revendiquer un peu de plaisir tranquille. Dans cette veine de désir, il répète actuellement son nouveau spectacle Immerstadje, pour cinq interprètes hip-hop experts en rollers. « J’imagine cette pièce comme un terrain d’aventure où s’entraînent en cachette des futurs héros de l’avenir, raconte-t-il. Dans cet espace, ils peuvent s’affirmer et laisser libre cours à leur imagination. Je veux aussi m’immerger avec eux dans l’enfance et ce qu’elle engendre comme rêverie. »
Dans des costumes mirifiques de Philippe Guillotel, complice de création de Philippe Decouflé, Immerstadje file d’un bon train vers la sérénité. « Dans un monde bouleversé par les attentats, j’ai envie aujourd’hui de lâcher prise sur toutes ces tensions pour retrouver une forme d’innocence et affirmer ma signature gestuelle », ajoute le chorégraphe.
Formé chez Alvin Ailey
Hamid Ben Mahi, toujours calme apparemment, chaud bouillant dedans, possède le parcours d’un aventurier de la danse qui ne se contente pas de ce que la vie lui a glissé dans le chausson. Passé par la gymnastique enfant, puis le hip-hop dès l’âge de 11 ans grâce à l’émission H.I.P. H.O.P., sur TF1, il intègre le conservatoire de Bordeaux et remporte une médaille d’or en modern jazz. Son groupe de rap de l’époque s’appelle FGP, pour Fais gaffe à la police. Il décroche une bourse pour se former à l’école de danse classique Rosella Hightower, à Cannes, puis part parfaire ses apprentissages chez Alvin Ailey, à New York, en 1998.
De retour en France, il collabore avec des chorégraphes comme Philippe Decouflé et Jean-François Duroure avant de créer ses propres pièces. Son style, entre danse et théâtre, mouvement et texte, avec souvent des collectes de témoignages personnels, emporte la danse hip-hop sur des terrains identitaires et politiques.
La Hogra - Teaser | Compagnie Hors Série - Hamid Ben Mahi
Parmi la douzaine de spectacles à son actif, Hamid Ben Mahi s’est régulièrement risqué sur des thèmes sociétaux offensifs. En 2014, il crée La Hogra (en arabe, cette expression désigne l’oppression, l’abus de pouvoir, l’injustice et l’humiliation), avec la complicité de l’écrivain Hédi Tillette, qui met en scène une famille aux prises avec les vexations jusqu’à se rebeller enfin. Trois ans avant, il dansait en solo Beautiful Djazaïr autour de la colonisation franco-algérienne et ses conséquences sur les générations aujourd’hui. Quant à La Géographie du danger, il y évoque le parcours d’un clandestin enfermé dans une chambre.
On se souvient de Faut qu’on parle, présenté en 2006 et mis en scène par Guy Alloucherie. Il y remuait, en parlant et en dansant, les sous-couches de sa vie dans la cité des Aubiers, de Bordeaux, pour évoquer l’immigration, le racisme ordinaire, l’exil et la cité, le suicide d’amis du haut des tours. Il racontait aussi comment, enlevé à l’âge de 4 ans avec sa sœur par son père qui les ramena en Algérie, ils furent de retour deux ans après, avec leur mère, dans la ville où lui vit toujours.
« J’ai vu Bordeaux se transformer et prendre une autre dimension depuis quinze ans, raconte le chorégraphe. Je me souviens combien, au début des années 1980, elle était noire et sombre. Il n’y avait personne dans les rues. Aujourd’hui, tout a été refait, éclairé et plein de gens s’y baladent à pied et à vélo. C’est une ville magnifique et paisible. On l’appelait “la belle endormie” et elle s’est enfin réveillée. » Un écrin parfait pour le Get Up Village.
Collectif Get Up, quai Louis-XVIII, le 1er juillet ; allée de Tourny, le 5 août ; square Dom Bedos, le 2 septembre.