Le contrôleur des prisons s’inquiète des conditions de travail des surveillants
Le contrôleur des prisons s’inquiète des conditions de travail des surveillants
Par Jean-Baptiste Jacquin
Une enquête du Contrôleur général de lieux de privation de liberté souligne les conséquences de la gestion des personnels sur le respect des droits des détenus.
Des personnels en nombre suffisant, bien formés, bien encadrés et bien traités sont une condition nécessaire pour que les détenus soient bien traités en prison et les malades respectés lorsqu’ils sont enfermés dans des unités psychiatriques. Ce constat pourrait être une lapalissade. Dans une démarche originale, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) a choisi de traiter ce sujet dans une enquête publiée mercredi 28 juin.
Habituée à tirer le signal d’alarme lorsque ses équipes constatent, trop souvent encore, le non-respect des droits fondamentaux en prison, en garde à vue, en centre de rétention ou dans le cadre d’hospitalisations sans consentement, cette institution indépendante dirigée par Adeline Hazan, s’est cette fois attachée à examiner les conditions de travail des surveillants, policiers, ou personnels soignants. Le Contrôleur général observe la difficulté inhérente à ces métiers soumis à des injonctions apparemment contradictoires : surveiller des personnes privées de liberté, les contraindre à respecter les règles de l’enfermement, et en même temps mettre en œuvre toutes les mesures nécessaires au respect de leurs droits.
Instabilité des effectifs
Le rapport du Contrôleur veut battre en brèche cette idée selon laquelle il y aurait une concurrence entre les droits des uns et ceux qui sont chargés de les surveiller. « Au contraire, le CGLPL a observé de manière constante qu’il existe entre eux une réelle communauté d’intérêts (…). Les conditions de prise en charge des personnes privées de liberté sont les mêmes que les conditions de travail des professionnels et la satisfaction de leurs droits est un facteur essentiel de la sérénité de la prise en charge et donc, finalement, de la sécurité des établissements », lit-on dans ce rapport.
L’une des difficultés identifiées est que les surveillants pénitentiaires feraient souvent ce métier par défaut. Une situation d’autant plus mal vécue qu’elle « comporte une dimension de violence pour ceux qui doivent l’accomplir », puisqu’il s’agit de maintenir autrui enfermé. Dès lors, il arrive que certains réagissent en prenant des mesures non nécessaires qui reviennent à humilier les personnes dont ils ont la garde. Une observation qui vaut également en hôpital psychiatrique, tant l’enfermement, même s’il n’est pas de même nature, engendre les mêmes effets.
Pour le CGLPL, l’instabilité des effectifs de surveillants en détention est un frein à l’instauration des bonnes pratiques dans la durée, indépendamment de la qualité de leur formation. A l’inverse, la trop grande stabilité des personnels observée en milieu hospitalier porte le risque de comportements routiniers sans ouverture sur les pratiques venues de l’extérieur. « Dans les établissements de santé mentale, le CGLPL a constaté de nombreux cas dans lesquels le manque de personnel conduit à la méconnaissance de droits fondamentaux des patients. »
Face à ces risques de dérive, le Contrôleur général s’inquiète de la faiblesse de la réaction de l’encadrement. L’esprit de corps entretiendrait un silence pudique sur les cas de non-respect des droits fondamentaux. Résultat, le faible nombre de sanction de ces comportements « ne peut manquer de surprendre », note le rapport qui livre une trentaine de recommandations.