Le conflit s’envenime au Crédit Mutuel
Le conflit s’envenime au Crédit Mutuel
Par Véronique Chocron
La fédération du Massif Central quitte le Crédit Mutuel Arkéa pour rejoindre le camp ennemi, le Crédit Mutuel CM11-CIC.
Nicolas Théry, le président de la Fédération Centre Est Europe à Strasbourg et de la Confédération nationale du Crédit Mutuel, en août 2016, à Paris. | DOMINIQUE FAGET / AFP
C’est un changement d’alliance digne de la fiction « Game of Thrones », qui secoue à nouveau le groupe Crédit Mutuel. Dans la guerre fratricide qui oppose les fédérations du Crédit Mutuel Arkéa (Bretagne, Sud-Ouest et Massif Central) à celles du Crédit Mutuel CM11, agrégées autour de la puissante fédération de Strasbourg, un des protagonistes vient de changer de camp. La petite fédération du Crédit Mutuel du Massif Central a en effet décidé de basculer du côté de CM11-CIC. La « convergence » devrait être opérationnelle au 1er janvier 2019, dix-huit mois étant nécessaires pour dénouer les liens très serrés tissés avec Arkéa, qu’il s’agisse des produits fabriqués par ses filiales ou de l’informatique.
Le Crédit Mutuel du Massif Central ne compte guère qu’une trentaine de caisses locales sur les 334 regroupées au sein d’Arkéa, et ne pesait que 3 % de ses fonds propres, mais ce mouvement constitue un camouflet pour le breton Jean-Pierre Denis, le président d’Arkéa, parti en croisade pour divorcer du reste du Crédit Mutuel. Estimant qu’Arkéa et CM11 sont à la fois « autonomes » et « concurrents sur l’ensemble de leurs métiers », l’ex-secrétaire général adjoint de l’Elysée de Jacques Chirac a mené, depuis bientôt trois ans, ce combat jusque devant les tribunaux, le Conseil d’Etat ou encore l’Autorité de la concurrence. En vain, jusqu’à présent.
A contrario, le ralliement du Massif Central est une victoire pour Nicolas Théry, le président de la Fédération Centre Est Europe, à Strasbourg, et de la Confédération nationale du Crédit Mutuel, ardent défenseur de l’unité du groupe.
Batailles picrocholines
Les deux hommes se connaissent bien – Jean-Pierre Denis et Nicolas Théry sont tous deux énarques et issus de l’inspection des finances –, mais ils ne s’adressent aujourd’hui plus la parole. Le dernier épisode des batailles picrocholines qui déchirent le groupe ne va rien arranger.
Jeudi 22 juin, c’est en effet Frédéric Ranchon qui a été élu, par les caisses locales, président de la fédération du Crédit Mutuel Massif Central, avec un projet de normalisation des relations avec la Confédération du Crédit Mutuel, contre le candidat poussé par Arkéa. « La campagne contre lui a été très musclée, il a donc estimé qu’il ne pouvait plus travailler avec le directeur général qui était en place, Morgan Marzin, dont il a demandé la démission. Comme il ne l’a pas obtenue, il a convoqué, mardi 27 juin, un conseil d’administration pour le révoquer, nommer au poste de délégué général Jean-Pierre Babel, et annoncer le projet de bascule au sein du CM11-CIC », raconte un de ses collaborateurs.
« Une forme de détresse »
Jean-Pierre Babel, âgé de 66 ans, connaît bien la fédération du Massif Central pour l’avoir déjà dirigée, de 1992 à 1999, avant de rejoindre la Confédération puis la fédération d’Orléans. « Je savais qu’il y existait une forme de détresse. J’ai voulu contribuer à la construction de l’unité du Crédit Mutuel, indique-t-il au Monde pour justifier son choix. Et j’arrive avec deux engagements : il n’y aura pas de plan social et nous donnerons aux caisses locales les moyens de se développer. »
La direction d’Arkéa dénonce de son côté des « actes d’une violence inouïe, dont chacun s’accordera à dire qu’ils sont peu compatibles avec les valeurs du mutualisme », dans un courrier interne envoyé aux salariés d’Arkéa, et que Le Monde s’est procuré. Ses dirigeants y ajoutent qu’ils mettent « actuellement tout en œuvre pour préparer les actions que cet acte agressif exige de notre part ». Le sujet sera à l’ordre du jour du prochain conseil d’administration d’Arkéa le 30 juin. Jean-Pierre Denis devra également trouver la martingale pour empêcher des caisses locales de Bretagne et du Sud-Ouest de faire défection.