Pascal, Stéphanie, Michel… ces automobilistes interdits de circuler à Paris
Pascal, Stéphanie, Michel… ces automobilistes interdits de circuler à Paris
Par Jeanne Cavelier
Le plan antipollution de la Ville de Paris prend effet au 1er juillet. Les voitures les plus anciennes ne peuvent plus rouler dans la capitale, sous peine d’amende. Témoignages.
Un agent de police place de la Porte Maillot, à Paris, le 23 janvier 2017. | GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP
« Je ne peux plus prendre ma voiture pour aller au travail », se désole Pascal Lampel, 50 ans, Parisien depuis toujours. Pour cet agent d’assurance, propriétaire d’une Alfa Roméo 147, le couperet est tombé, samedi 1er juillet : interdiction de circuler dans la capitale pour les diesel d’avant 2001 et les essence d’avant 1997, de 8 heures à 20 heures les jours de semaine. Un peu plus de 7 % des conducteurs de véhicules particuliers, 8,7 % des propriétaires d’utilitaires légers et entre 10 % et 15 % des motards roulant à Paris sont concernés, selon la mairie. Ils doivent trouver des solutions alternatives.
« Les transports en Ile-de-France ne permettent pas toujours de répondre aux besoins », assure Pascal Lampel, évoquant les « retards permanents » et les « horaires inconfortables » des RER. « En plus, j’ai régulièrement besoin de prendre ma voiture personnelle pour aller voir des clients. » Un véhicule n’est pas toujours disponible au bon moment au siège de son entreprise. « Je devrais alors soit prendre les transports, donc prévoir plus de temps, soit reporter des rendez-vous, ce qui peut poser un problème, commercialement. » Finis également les week-ends prolongés, avec retour le lundi, au risque sinon d’avoir à payer une amende.
« Une énorme injustice »
Yoann (le prénom a été modifié), lui, s’est décidé à changer de modèle : « J’avais une Peugeot 205. Elle valait 500 euros, je n’allais pas payer une amende de 68 euros à chaque contrôle… » Le jeune homme de 28 ans a dû débourser 2 500 euros pour acquérir une Peugeot 206 SW de 2005.
« Pour moi, c’est une énorme injustice. La mairie agresse les jeunes qui n’ont pas d’argent, qui ont des petites citadines, alors qu’il faudrait plutôt bannir les Porsche Cayenne et autres voitures de sport. Le message est malsain : vous êtes pauvres, alors restez en dehors de la couronne ! »
Yoann bénéficiera d’une aide de 400 euros de la ville pour avoir renoncé à son véhicule. « C’est dérisoire, car cela ne permet pas d’acheter une voiture plus propre, la mairie aurait plutôt dû passer un contrat avec un fabricant de voitures électriques », lance-t-il.
Même sentiment d’injustice, teinté d’une charge affective, pour Stéphanie Conseti, 40 ans : « Cette Renault 19 m’a été transmise par mon grand-père. Je ne pense pas qu’elle pollue plus qu’un 4 × 4 ou une grosse cylindrée plus récente… » Deux fois ce dernier mois, l’analyste qui habite à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine) a dû conduire en urgence sa nièce vers un hôpital parisien. « Comment faire dans ces cas-là ? Etant donné son état, je ne pouvais pas prendre les transports publics. Si j’appelle un taxi, cela prend du temps, sans parler du coût. J’ai une station Autolib à proximité, mais je ne sais pas conduire une automatique. Et vous imaginez pour les femmes enceintes ? » Pour Stéphanie, la mesure sert surtout à relancer la consommation en poussant les automobilistes à se séparer de leur ancienne voiture.
« Je n’ai pas les moyens »
« La pollution existe, mais les premiers responsables, ce ne sont pas les automobilistes », peste Michel Rolland, 67 ans, de Deauville (Calvados). Il se rend régulièrement dans la capitale pour voir ses enfants ou son médecin. Ce chauffeur à la retraite soigne particulièrement sa Renault Safrane, qui arbore un Concorde peint sur le capot, « plus neuve que celles qui sortent du garage ». Il a déboursé 5 000 euros de frais de réparation en avril 2016. « J’ai emprunté à la Matmut, précise le retraité. Elle est belle, elle est passée au contrôle technique. Je ne comprends pas qu’on l’interdise. Et puis je n’ai pas les moyens d’en acheter une neuve. »
Pour Bruno Oulié, 56 ans, « cette histoire de pollution, c’est un prétexte pour faire plaisir aux bobos parisiens qui n’ont pas besoin de voiture, et qui de toute façon ont les moyens de s’en acheter des plus récentes ». L’assistant d’éducation bénéficie d’une dérogation pour sa Mercedes 200 de 1966, classée voiture de collection. Mais pas pour sa moto Honda 125 Rebel de 1997, qui pollue moins : « C’est l’une des absurdités de cette loi », relève le Versaillais. Il prend parfois sa moto durant la semaine, pratique pour des courses à Paris : « Certains composants électriques importés d’Allemagne dont j’ai besoin, un ours en peluche à restaurer, des pièces moins chères pour ma Mercedes, une pipe à réparer… », précise-t-il. Le motard, désormais « hors-la-loi », ne compte pas changer ses habitudes.
« Faire plaisir aux écologistes »
Garagiste et collectionneur de voitures, José Fernandez, 55 ans, tentera lui aussi d’échapper aux contrôles de police lors de ses allers-retours à Paris. « Je m’interroge sur l’efficacité réelle de cette mesure, qui sert surtout à faire plaisir aux écologistes, estime-t-il. Les voitures en France datent en moyenne de 2010. Les plus vieilles partent naturellement à la casse, il n’y a pas besoin de forcer le flux. Et pour les voitures électriques, comment va-t-on recycler les batteries au lithium ? »
Le quinquagénaire s’apprête à manifester pour « faire entendre sa voix » sur la place de la Concorde, samedi 1er juillet, à l’appel de l’Union pour la défense de l’égalité et de la liberté de circuler motorisé (Udelcim), association créée contre la mise en place de la zone de circulation restreinte, et de quarante millions d’automobilistes.
Poids lourds, autobus, autocars… Les professionnels sont également concernés, sept jours sur sept. Seuls les véhicules du service public (police, pompiers, etc.), des entreprises publiques, pour les personnes handicapées et certains véhicules privés comme ceux des services de dépannage peuvent obtenir des dérogations pour circuler dans Paris.
A Gennevilliers, les autocars James disposent d’une flotte assez récente. « Mais nous faisons parfois appel à des sous-traitants, explique Vincent Melay, responsable administratif. Ils ont acheté leurs autocars d’occasion. Or, les groupes de touristes qui viennent en France veulent voir Paris, les tour-opérateurs ne demandent pas autre chose. C’est la mort de ces petits transporteurs. »
Après Paris, et Grenoble pour les utilitaires légers et les poids lourds, Lille et Strasbourg sont les prochaines villes concernées par une zone à circulation restreinte, prévue pour septembre 2017.