Le glacier Okjökull, avant sa fonte. / Dominic Boyer/Cymene Howe

C’est une disparition qui n’a laissé personne de glace : en 2014, l’Islande voyait s’évanouir Okjökull, premier glacier à disparaître à cause du réchauffement climatique. La glace, qui recouvrait encore 16 km2 de surface en 1890, s’était réduite à peau de chagrin : 0,7 km2 en 2012, selon les relevés de l’université d’Islande.

Pour marquer cette funeste première sur l’île, une plaque commémorative sera inaugurée le 18 août vers 16 heures (heure de Paris) sur le site de l’ancien glacier par des chercheurs islandais et de l’université Rice aux Etats-Unis, à l’initiative du projet. La première ministre islandaise, Katrin Jakobsdottir, et l’ancienne commissaire des Nations unies aux droits de l’homme Mary Robinson sont notamment attendues lors de la cérémonie.

Rendre concret le réchauffement climatique

« Il s’agira du premier monument érigé en l’honneur d’un glacier disparu à cause des changements climatiques dans le monde », a déclaré Cymene Howe, professeure d’anthropologie à l’université Rice, citée dans un communiqué. « En marquant le décès de l’Okjökull, nous espérons attirer l’attention sur ce qui se perd à mesure que les glaciers de la Terre disparaissent », ajoute l’anthropologue.

Avec cette plaque en lettres d’or titrée en islandais et en anglais « Une lettre pour l’avenir », les chercheurs espèrent sensibiliser la population face au déclin des glaciers et aux effets du changement climatique.

« Tous nos glaciers devraient connaître le même sort au cours des deux cents prochaines années. Ce monument atteste que nous savons ce qui se passe et ce qui doit être fait. Vous seuls savez si nous l’avons fait », peut-on lire sur la plaque, dont le texte s’adresse aux générations futures. Elle porte également la mention « 415 ppm CO2 », en référence au niveau record de concentration de dioxyde de carbone enregistré dans l’atmosphère en mai dernier.

La plaque commémorative sera inaugurée le 18 août. / Dominic Boyer/Cymene Howe

« Les discussions sur le changement climatique peuvent être très abstraites, accompagnées de nombreuses statistiques catastrophiques et des modèles scientifiques complexes (...) incompréhensibles », estime la professeure d’anthropologie à l’université Rice. Et d’ajouter : « Un monument à la mémoire d’un glacier disparu peut-être un bon moyen d’appréhender ce à quoi nous sommes aujourd’hui confrontés ».

Selon la chercheuse et son confrère Dominic Boyer, l’Islande perd environ onze milliards de tonnes de glace chaque année. Les scientifiques craignent la disparition des quelque 400 glaciers que compte l’île subarctique d’ici deux cents ans.

« Glace morte »

En 2014, « nous avons pris la décision qu’il ne s’agissait plus d’un glacier, c’était seulement de la glace morte qui ne bougeait plus », raconte à l’AFP le géologue Oddur Sigurdsson, qui a étudié l’Okjökull. Le glacier est alors déclassé, une première pour l’Islande.

Pour avoir le statut de glacier, la masse de glace et de neige de celui-ci « doit être assez épaisse pour pouvoir se déplacer grâce à son propre poids », soit 40 à 50 mètres d’épaisseur afin de produire suffisamment de pression pour rendre la glace malléable, explique-t-il.

Près de la moitié des sites du Patrimoine mondial de l’humanité pourraient perdre leurs glaciers d’ici 2100 si les émissions de gaz à effet de serre se poursuivent au rythme actuel, selon une étude de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) publiée en avril.

Oddur Sigurdsson dit « craindre que rien ne puisse être fait pour arrêter » ces disparitions. « L’inertie du système climatique est telle que, même si on arrêtait dès maintenant d’introduire des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, il continuerait à se réchauffer pendant un siècle et demi ou deux avant d’atteindre son équilibre », précise-t-il.

En Islande, le parc national du Vatnajökull, dans le sud de l’île, inscrit au Patrimoine mondial de l’Unesco depuis juillet, porte le nom du glacier qu’il abrite et qui conserve encore le titre de plus grande calotte glaciaire d’Islande.

Comprendre le réchauffement climatique en 4 minutes
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