le premier ministre indien, Narendra Modi, à Ahmedabad, le 29 juin. | SAM PANTHAKY / AFP

Historique : le mot est répété en boucle par les autorités israéliennes. Vingt-cinq ans après l’établissement des relations diplomatiques avec l’Inde, Narendra Modi est le premier chef de gouvernement de son pays à se rendre en Israël, du 4 au 6 juillet. Peu de visites d’un dignitaire étranger suscitent un aussi grand écho dans l’Etat hébreu. Il traduit à la fois une ouverture du pays vers un marché en plein essor et une volonté de diversifier les alliances diplomatiques.

Narendra Modi est attendu avec enthousiasme par les autorités, mais aussi une certaine impatience. Au cours des trois premières années de son mandat, malgré une intensification des contacts avec l’Etat hébreu, il s’est d’abord rendu en Arabie saoudite, aux Emirats arabes unis (EAU), au Qatar ou encore en Iran. Le premier ministre indien arrive en Israël avec un programme dense. Son homologue, Benyamin Nétanyahou, l’accompagnera lors de nombreuses étapes, du mémorial de Yad Vashem au cimetière militaire de Haïfa, où sont enterrés des soldats indiens.

Proximité

M. Modi en a pris l’habitude au cours de ses déplacements à l’étranger : il va également prendre la parole devant plusieurs milliers de ses compatriotes, réunis à Tel-Aviv. Environ 10 000 Indiens vivent et travaillent en Israël. Près de 80 000 juifs israéliens ont une ascendance indienne. Narendra Modi, rappelle la presse israélienne, cherche toujours à consolider les liens entre l’Inde et ses expatriés, sur le modèle de la diaspora juive.

Israël note avec satisfaction l’absence de toute étape palestinienne dans le voyage du responsable indien. Le président Mahmoud Abbas avait été accueilli à New Delhi à la mi-mai, une visite pendant laquelle l’Inde avait réaffirmé son soutien traditionnel à la cause palestinienne et à la solution à deux Etats. Néanmoins, comme le confirme l’ancien porte-parole du ministère indien des affaires étrangères Gopalaswami Parthasarathy, M. Modi « n’a aucune appréhension à exprimer ouvertement son admiration pour la réussite d’Israël, alors que ses prédécesseurs se montraient plus timides ». Une allusion au fait que l’Inde, acteur majeur du mouvement des non-alignés pendant la guerre froide, a soutenu les aspirations palestiniennes dès 1947, puis a été le premier pays non musulman à reconnaître la Palestine, en 1988.

Sur le plan idéologique, il existe une proximité claire entre M. Modi et M. Nétanyahou, qui dirigent tous deux un pays avec une forte minorité musulmane et se font les chantres de l’identité majoritaire, hindoue et juive. « Modi est un nationaliste à outrance, qui partage avec Nétanyahou, outre une bonne relation personnelle, une même vision du monde et du développement économique », note un diplomate israélien.

Dans le domaine économique, Israël est fier d’afficher une statistique : les échanges commerciaux se montaient à 200 millions de dollars (175 millions d’euros) en 1992 ; ils frôlent les cinq milliards de dollars aujourd’hui. « Mais ce chiffre stagne depuis quelques années, note Raviv Byron, le président de la chambre de commerce Israël-Inde et Népal, à Jérusalem. Nous poussons en faveur d’un accord de libre-échange. Les gouvernements négocient depuis quatorze ans, mais ça n’avance pas vraiment. C’est une question politique. En Inde, il existe de fortes pressions en faveur du protectionnisme. »

Il existe trois domaines dans lesquels la coopération entre les deux pays se révèle très prometteuse : l’eau, l’agriculture et la défense. New Delhi veut s’inspirer des avancées technologiques majeures réalisées par Israël dans le traitement de l’eau (désalanisation, traitement des eaux usées) ou l’irrigation pour la culture intensive. Mais c’est surtout la défense qui fait de l’Inde un client essentiel. Ce secteur est le premier moteur du rapprochement entre les deux pays depuis la normalisation de leurs relations diplomatiques. « Israël n’est pas en mesure de concurrencer Paris et Washington sur les grands contrats d’armements tels que les avions de combat Rafale, analyse Nicolas Blarel, enseignant chercheur à l’université de Leyde (Pays-Bas) et expert des relations entre les deux pays. En revanche, les Indiens aiment traiter avec les Israéliens, car ces derniers posent moins de difficultés pour transférer leurs technologies et fabriquer une partie importante des commandes sur place, en Inde. »

Logique de coproduction

Cette logique de coproduction sied à M. Modi, qui a fait du « Make in India » le fil rouge de sa politique industrielle. Exemple le plus récent : en mai, Israel Aerospace Industries a annoncé qu’il avait obtenu un contrat de 630 millions de dollars pour la fourniture de systèmes de défense sur quatre navires de la flotte indienne, composés de missiles sol-air Barak-8. Pour la première fois, ce contrat sera réalisé avec la compagnie indienne Bharat Electronics.

Israël, de son côté, ne mise pas que sur l’exportation de son savoir-faire militaire. Benyamin Nétanyahou s’enorgueillit des relations diplomatiques inédites qu’il a développées en Afrique, en Asie centrale, avec l’Inde ou la Chine. Il s’efforce, pays par pays, de casser les alignements systématiques en faveur de la cause palestinienne dans les enceintes multilatérales, comme les Nations unies ou l’Unesco.