Trois minibus électriques sans chauffeur, fabriqués par Navya et opérés par Keolis, vont desservir gratuitement le quartier d’affaires de la Défense. | JACQUES DEMARTHON / AFP

Aux heures de pointe, le parvis de La Défense (Hauts-de-Seine) devient, par endroit, un petit fleuve de piétons grossi par les 500 000 visiteurs qui le parcourent en moyenne chaque jour. C’est dans cet environnement pour le moins complexe que le Syndicat des transports d’Ile-de-France (STIF) a lancé, lundi 3 juillet, une nouvelle expérimentation de navette autonome. Trois de ces minibus électriques sans chauffeur, fabriqués par la société Navya et opérés par Keolis, prendront d’assaut les allées du premier quartier d’affaires européen. De quoi mettre à rude épreuve les capteurs et toute l’intelligence embarquée des véhicules.

Du lundi au vendredi, de 8 heures à 20 heures, deux navettes – accessibles à tous et gratuites – tâcheront de se frayer un chemin, à la vitesse d’un jogger qui trottine (7 kilomètres/heure). Les engins de 5 mètres de long et pouvant emporter 15 personnes passeront toutes les dix minutes aux heures les plus denses. Partant de la Grande Arche, l’une ira vers le Pôle universitaire Léonard-de-Vinci au nord, l’autre en direction de la tour Société générale au sud-ouest. Le week-end et les jours fériés, une troisième navette circulera de 10 heures à 18 heures, à la fréquence d’un départ toutes les vingt minutes, le long de la perspective monumentale, sur un trajet davantage destiné aux touristes.

100 % autonome en septembre

« C’est une première mondiale » s’est félicitée Valérie Pécresse, la présidente (LR) de la région Ile-de-France et du STIF, désormais rebaptisé Ile-de-France Mobilités. S’il est vrai que jusqu’ici aucune navette autonome ne s’était risquée sur un terrain aussi encombré, le propos est exagéré. Depuis le mois de septembre 2016, deux autres navettes Navya circulent sur voie semi-ouverte dans le quartier d’affaires Confluence à Lyon. La RATP a également testé, pendant onze semaines cette année, une navette sans chauffeur sur le pont entre la gare d’Austerlitz et la gare de Lyon, à Paris.

« La première mondiale réside dans le fait que, à la rentrée de septembre, plus aucun employé ne sera à bord du véhicule. La navette sera pour le coup 100 % autonome », explique Jean-Pierre Farandou, président de Keolis, l’opérateur de transport public urbain filiale de la SNCF, qui est aussi l’un des coactionnaires minoritaires partenaires de Navya (avec Valeo). L’absence de circulation automobile sur le parvis de La Défense permet cette élévation du degré d’une expérimentation censée durer jusqu’au mois de décembre.

Phase d’accélération pour la mobilité de proximité

Pas de doute : ce nouveau mode de transport destiné à assurer la desserte du dernier kilomètre est en pleine phase d’accélération. L’Ile-de-France, qui dépense 350 000 euros pour l’expérimentation de La Défense, fait feu de tout bois dans ce segment précis de la mobilité de proximité. D’autres navettes seront déployées dans la région, cette fois avec la RATP : dans le bois de Vincennes en septembre et sur le plateau de Saclay à une date non encore déterminée.

Mais, la France n’est pas le seul terrain d’expérimentation des navettes sans conducteur destinées au dernier kilomètre. La société lyonnaise Navya, leader mondial du secteur avec son concurrent toulousain EasyMile, déploie 45 de ses engins sur tous les continents (sauf l’Afrique). « Pas plus tard que vendredi [30 juin], nous avons procédé à des lancements en Suisse, au Danemark et à Hongkong, en présence du président chinois Xi Jinping », se réjouit Christophe Sapet, président fondateur de Navya, qui a transporté plus de 150 000 personnes dans ses petits engins depuis 2014, date de création de la société.

Location avec offre de service

Le défi de l’entreprise consiste à gérer cette « crise » de croissance : passage d’un chiffre d’affaires de 4 millions d’euros en 2016 à, selon l’entreprise, plus de 20 millions d’euros en 2017 ; hausse de 40 % des effectifs, qui devraient atteindre 200 salariés à la fin de l’année ; mise en service de deux nouveaux sites industriels, l’un à Vénissieux (métropole de Lyon), l’autre aux Etats-Unis, près de Detroit.

Evidemment, tout ceci nécessite des investissements, mais pas forcément une nouvelle augmentation de capital. « Notre tour de table avec Valeo et Keolis, en octobre 2016, suffit pour le moment à financer notre croissance, assure Christophe Sapet. Nous pouvons même envisager être rentables en 2018-2019. » L’entreprise, qui a choisi le modèle économique de la location avec offre de service – une navette coûte 9 500 euros par mois –, fourmille toutefois de projets qu’il faudra financer. Une gamme large de nouveaux véhicules – un plus grand et un plus petit que la navette – serait ainsi dans les cartons de l’entreprise.