Economie circulaire : imposer des matières recyclées dans les produits neufs
Economie circulaire : imposer des matières recyclées dans les produits neufs
Par Collectif
Dans une tribune au « Monde », un collectif appelle l’Union européenne à imposer progressivement des matières premières recyclées et bio-sourcées dans les produits neufs. Une condition indispensable, estime-t-il, pour une transition effective vers l’économie circulaire.
Défilé de mode d’éco-vêtements fait de matériaux recyclés à Kiev (Ukraine), le 23 juin 2017 : un des modèles de la créatrice française Isagus Toche. | Sergei Chuzavkov / AP
La Ville de Paris a adopté, le 4 juillet, un plan vers l’économie circulaire à l’horizon de 2020. Le G7 Environnement des 11 et 12 juin à Bologne (Italie) a placé la transition vers l’économie circulaire parmi ses priorités. Il nous faut cependant souligner que l’économie circulaire ne résultera pas de l’intensification, même très volontariste, des politiques actuelles. Ni l’amplification de la taxation des déchets ultimes, ni la réduction des déchets à la source, ni l’information des consommateurs, ni la sensibilisation des entreprises, ne suffiront, à court, moyen, ou long terme, à « faire de l’économie circulaire et du recyclage un nouveau modèle économique » de nos sociétés, pour reprendre le programme électoral du président de la République.
La transition vers l’économie circulaire pourrait en revanche être effectivement engagée au moyen d’un premier pas, prudent mais décisif, à savoir imposer progressivement, dans les produits et équipements neufs à destination des consommateurs et de l’industrie, une proportion minimale, d’abord faible, puis croissante par seuils au cours des années suivantes, de matières premières recyclées d’un côté, et de matières bio-sourcées de l’autre. Cela ne pourrait se faire que dans le cadre d’une directive européenne, adaptée aux différents secteurs d’activité, dont le gouvernement français pourrait lancer l’initiative. Des incitations fiscales aux entreprises devançant les échéances pourraient s’y ajouter.
L’exemple du canton de Genève
Cette mesure est un changement de paradigme. Elle consacrerait l’entrée effective dans une économie circulaire, conciliant à terme le développement industriel avec la réduction des ponctions sur les ressources non renouvelables. Echelonnée dans le temps, elle est réaliste. Déjà depuis une dizaine d’années, les constructions publiques du canton de Genève comportent un pourcentage imposé de béton recyclé. Un leader britannique des boissons gazeuses s’impose au minimum 25 % de plastique recyclé dans ses bouteilles. L’esprit de la directive serait analogue, mais à une tout autre échelle et avec un spectre beaucoup plus large.
Rappelons que l’économie circulaire vise à réduire au minimum, par tous les leviers possibles, l’utilisation des ressources « primaires », c’est-à-dire extraites de gisements naturels : mines, carrières, pétrole, gaz etc. Elle consiste donc à privilégier massivement l’utilisation de matières premières recyclées ou bio-sourcées dans l’industrie et dans nos consommations.
Générer des emplois et baisser les émissions de CO2
En imposant progressivement, la présence de matières recyclées ou bio-sourcées dans les produits suscite aussitôt des débouchés et un marché sécurisé pour ces matières, alors que celles-ci ne sont aujourd’hui qu’une variable d’ajustement. Elle favorise la localisation dans nos territoires des activités nouvelles liées au recyclage et au bio-sourcing, tirant leurs ressources de gisements eux-mêmes locaux. Or, ces activités génèrent des emplois, bien plus que les filières auxquelles elles se substituent. Elle contribue à une baisse de nos émissions carbonées, car les filières bio-sourcées, qui devraient être supportées par l’agro-écologie, et de recyclage sont moins émissives que les activités extractives. Elle irrigue donc tous les compartiments de la transition écologique.
Alors que la transition énergétique semble amorcée, à telle enseigne que l’on discerne un léger découplage entre la croissance du PIB mondial et nos émissions de CO2, il en va tout autrement pour nos flux de matière. Ces derniers, et en conséquence les activités extractives qui les nourrissent, croissent même plus vite que le PIB mondial depuis le début des années 2000, comme le montre une l’étude de l’ONU Environnement Global Material Flows and Resource Productivity de 2016. C’est une conséquence de l’essor des classes moyennes dans les pays émergents ; mais nos pays « riches » continuent à y contribuer.
L’économie circulaire a été depuis les années 1990 un enjeu de gestion des déchets. Il faut maintenant en faire ce qu’elle est vraiment – un enjeu pour la production et la consommation de nos biens.
Dominique Bourg, professeur à la faculté des géosciences et de l’environnement de l’Université de Lausanne, président du conseil scientifique de la Fondation Nicolas Hulot, Romain Ferrari, président de la Fondation 2019 et François Grosse, président de la start-up lyonnaise ForCity, lauréate du Grand Prix Le Monde-Smart-Cities 2016.