Lors du passage du Critérium du Dauphiné Libéré au mont du Chat, Fabio Aru (à gauche) était passé en tête en sommet, devant Christopher FroomeREUTERS/Benoit Tessier | BENOIT TESSIER / REUTERS

Christopher Froome l’appelle déjà affectueusement « mon chat ». Le sommet jurassien du même nom, considéré comme l’un des plus durs de France, risque pourtant de porter quelques coups de griffe au classement général du Tour, dimanche 9 juillet. La dernière fois que la course lui a rendu visite remonte à 1974 et Raymond Poulidor était là. Pas dans un polo jaune floqué du nom d’une banque, stylo pour autographes à portée de main, comme aujourd’hui, mais dans un maillot Gan-Mercier et sur le vélo.

Ce jour-là, « Poupou » distança Eddy Merckx. Il avait 38 ans mais volait sur ces pentes raides, étroites, souvent ombragées. Le Belge le reprit dans la descente vers le lac du Bourget et fit un beau vainqueur d’étape, mais inexplicablement, le Tour ne revint jamais au mont du Chat. Peut-être avait-on rouspété du côté des coureurs, dont certains avaient connu l’humiliation d’y mettre pied à terre.

« Le mont du Chat pourrait sceller le sort de nombreux coureurs, car vu ce qu’on aura enduré en prélude, la moindre défaillance aura des conséquences en temps irrattrapables sur le Tour de France », Romain Bardet, coureur AG2R

Romain Bardet avant la ligne d’arrivée de la 5e étape  du Tour de France à la planche des Belles-Filles, le 5 juillet. REUTERS/Christian Hartmann | CHRISTIAN HARTMANN / REUTERS

Dans la région de Chambéry, prononcer son nom vous vaudra des regards effrayés. Son patronyme donnerait envie de s’en approcher avec délicatesse, mais ses 8,7 kilomètres à 10,3 % de pente moyenne facturés par l’organisation du Tour vous lacèrent les cuisses.

Pierre Latour (AG2R), 12e du classement général, jure que le compte n’y est pas. De fait, l’ascension est ailleurs répertoriée comme faisant dix-sept kilomètres. « Avant le pied officiel du col, on est en prise pendant un moment, et on arrive usé en bas, raconte le grimpeur de l’équipe AG2R-La Mondiale. Ensuite, on monte en force, ça fait mal aux genoux. C’est un col tellement dur que tu es à bloc dedans même en montant tranquille. »

Gros dégâts lors du Critérium du Dauphiné

Raison pour laquelle peu de cyclistes s’y montrent hors compétition : personne ne l’a mis sur le parcours de sa sortie d’entraînement type. En plus de la pente, il y a ce soleil qui tape l’après-midi, malgré les arbres bordant la route, et sa descente rapide et sinueuse vers le lac du Bourget, toujours dangereuse malgré l’amélioration de la route.

Le mont du Chat a été escaladé, en juin, lors du Critérium du Dauphiné, où il avait fait de gros dégâts. Fabio Aru était passé en tête au sommet, détaché devant Richie Porte et Christopher Froome. Ce dernier se disait heureux, vendredi, d’avoir pu approcher la bête avant de tenter de l’apprivoiser sur le Tour. « L’étape sera décisive et créera beaucoup plus de dégâts qu’au Dauphiné », a-t-il prédit.

Le mont du Chat sera en effet précédé de l’ascension des cols de la Biche et du Grand Colombier, également classés hors catégorie pour leur déclivité moyenne proche des 10 %. L’enchaînement pourrait être mis à profit pour passer à l’offensive par les équipes des favoris, notamment AG2R, qui jouera à domicile.

« Il ne faut pas laisser passer les opportunités, estime son leader Romain Bardet. Le mont du Chat pourrait sceller le sort de nombreux coureurs, car vu ce qu’on aura enduré en prélude, la moindre défaillance aura des conséquences en temps irrattrapables sur le Tour de France. »