« Je suis Pierre Garrett, politicien et chanteur. Et je suis toujours vivant ! » A 64 ans, Peter Garrett jubile de retrouver la scène avec son groupe, Midnight Oil, après près de quinze années consacrées à une carrière politique pendant laquelle le rocker écologiste est devenu député travailliste au Parlement australien, mais aussi ministre de l’environnement, du patrimoine et des arts (2007-2010), puis ministre de l’éducation et de la jeunesse (2010-2013).

Face à la pleine lune, le géant vert se régale du foisonnant arboretum ceinturant le parc du château de Beauregard accueillant le festival du même nom, dont la neuvième édition se déroulait, du 7 au 9 juillet, à Hérouville-Saint-Clair (Calvados). Après un concert triomphal à l’Olympia, les Australiens s’arrêtaient, vendredi 7 juillet, en Basse-Normandie, pour une autre étape française de The Great Circle 2017, leur première tournée mondiale depuis vingt ans.

« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs »

Une longue absence qui n’aura pas altéré la pertinence de leurs chansons. Fondé à Sydney, au milieu des années 1970, Midnight Oil est devenu, lors de la décennie suivante, le groupe plus populaire (avec AC/DC) de la scène australienne, grâce à l’intensité d’un engagement humanitaire et environnemental, qui fera aussi décoller une carrière internationale culminant avec l’album Diesel and Dust (1987) et le hit Beds Are Burning.

En 2002, le président Jacques Chirac ne fit-il pas sensation en commençant son discours d’ouverture du IVe Sommet de la Terre (écrit par le géopolitologue Jean-Paul Deléage) par une petite phrase – « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs » – inspirée du tube de la bande à Garrett (« How Do We Sleep While our Beds are Burning »). Quinze ans plus tôt, les Australiens y dénonçaient le réchauffement climatique, responsable, selon eux, des incendies de forêt qui ravageaient certaines régions du pays.

Autant que l’actualité de leurs textes, c’est la qualité musicale de leur répertoire qui impressionne

A l’ère de la COP21, difficile de nier la portée visionnaire de leurs brûlots écologistes. « Plus que la célébrité, ce sont les échanges avec les gens et l’observation du monde qui nous importaient », revendique Peter Garrett, rencontré la veille dans les coulisses de l’Olympia. Plus jeune, une vie au grand air et la pratique du surf, gâchée par la pollution maritime, avaient sensibilisé cet étudiant en droit et sciences politiques aux problèmes de l’environnement. « Mais avant de nous soucier de revendications politiques, nous nous sommes d’abord consacrés à notre alchimie musicale et à la cohésion du groupe », rappelle aussi l’ancien ministre.

De fait, autant que l’actualité de leurs textes (souvent écrits par le batteur Rob Hirst) sur les dangers du nucléaire, la protection de la planète, l’anti-impérialisme américain ou la défense des Aborigènes, c’est la qualité musicale – un peu oubliée – de leur répertoire qui impressionne.

Une solidité « australienne »

Sur la scène de Beauregard (et dans des coffrets récents publiés chez Sony Music, The Complete Midnight Oil Vinyl Collection, Full Tank et Overflow Tank regroupant l’intégrale de leur discographie ou de leurs vidéos), on redécouvre avec plaisir la variété de chansons autant capables de puissance que de raffinement. Héritiers des fondateurs du « classic rock » (les Who, en particulier) et de la sophistication du prog-rock, marqués aussi par l’énergie punk, l’efficacité de la new wave, les élans mélodiques de REM et le lyrisme de U2, les « Oils » ont insufflé à leurs titres une solidité qu’on qualifiera d’« australienne ».

Défendus avec panache par cinq instrumentistes visiblement boostés par ces retrouvailles, des titres comme Blue Sky Mine, Only the Strong, The Dead Heart, Warakurna, Forgotten Years ou, bien sûr, Beds Are Burning rayonneraient moins sans la force d’incarnation de Peter Garrett. En plus de sa voix à l’expressionnisme cinglant, le géant retrouve sa célèbre gestuelle de zombie épileptique, mimant l’explosivité de ses camarades et la folie des hommes.

Engagement citoyen

A Beauregard, cette année, on n’aura guère vu que le septuagénaire Iggy Pop – toujours foudroyant gladiateur de la radicalité électrique et de l’animalité sexuelle, malgré son corps tordu par la scoliose et une hanche en vrac – pour surpasser le charisme scénique du sexagénaire australien.

Fort de ses expériences, le politicien revenu à la musique pense-t-il que les chansons peuvent changer le monde plus efficacement que la politique ? « Il n’y a pas à choisir entre l’un ou l’autre », affirme le grand chauve. « La musique agit à un niveau émotionnel, elle inspire, touche le cœur. Elle peut fournir la bande-son du changement, elle peut provoquer un élan, mais aussi agir comme un somnifère, favoriser l’évasion, nous éloigner des réalités. La politique a une fonction plus mécanique. C’est par elle qu’on active les leviers de la transformation. » Plus qu’aux politiciens, Peter Garrett croit d’abord au citoyen. « C’est l’engagement du citoyen qui est le plus important facteur de changement. Qu’il le fasse en chantant dans la rue ou en allant voter. »

Prochains concerts de Midnight Oil : Le 14 juillet, à Aix-les-Bains, au festival Musilac ; le 16, à Carhaix, au festival, les Vieilles Charrues ; le 25, à l’Olympia, 28 boulevard des Capucines, Paris 9e. Tél. : 08.92.68.33.68. 20h. De 56,50 € à 89,50 €.