Au Royaume-Uni, des propositions controversées pour améliorer le statut des travailleurs précaires
Au Royaume-Uni, des propositions controversées pour améliorer le statut des travailleurs précaires
Par Philippe Bernard (Londres, correspondant)
Un rapport commandé par Theresa May préconise de lutter contre les abus de l’« économie des petits boulots ». Mais les premières réactions des syndicats ne sont pas tendres.
Theresa May, la première ministre britannique, à Londres le 5 juillet 2017. | NIKLAS HALLE'N / AFP
Au Royaume-Uni, cinq millions de personnes travaillent comme autoentrepreneurs, en particulier par l’intermédiaire de plates-formes Internet de partage. Pour remédier aux abus constatés dans cette gig economy (« économie des petits boulots ») dont les emblèmes sont Uber et Deliveroo, un rapport commandé par Theresa May et rendu public mardi 11 juillet fait des propositions visant à mieux protéger les travailleurs tout en assurant la prospérité des entreprises qui fleurissent en marge des lois sur le travail.
Son auteur, Matthew Taylor, ancien conseiller de Tony Blair, propose de créer un statut de contractant dependant, intermédiaire entre celui de salarié et celui d’autoentrepreneur (self employed), donnant droit aux arrêts maladie et aux congés payés.
Les employeurs seraient astreints à rendre public à tout moment le salaire potentiel « à la pièce » (la course par exemple) proposé en fonction du degré d’activité. Il devrait s’élever au moins à 1,2 fois le salaire minimum actuel de 7,50 livres de l’heure (8,50 euros) pour les plus de 25 ans. Mais, pendant les heures creuses, le travailleur pourrait gagner moins que ce salaire minimum à condition d’en être prévenu en consultant son portable.
Reconquérir l’opinion
M. Taylor suggère de supprimer la disposition qui permet de payer moins cher les intérimaires employés en permanence, mais il ne reprend pas la revendication du Parti travailliste d’interdire les « contrats à zéro heure » (aucune obligation horaire pour l’employeur) qui concernent plus d’un million de personnes. Il n’est pas question non plus de pénaliser les entreprises qui recourent systématiquement à la précarité ni d’abolir les redevances qui découragent les plaintes des salariés devant les tribunaux.
Les premières réactions des syndicats, très actifs sur ce terrain – ils ont obtenu en justice la requalification en « salariés » des contrats de travail considérés comme « indépendants » par Uber –, ne sont pas tendres. M. Taylor « a spectaculairement échoué à s’attaquer au fléau du travail précaire dans ce pays », estime Len McCluskey, dirigeant de Unite, la principale centrale syndicale britannique.
Selon un rapport parlementaire, les conditions de certains emplois de la gig economy reviennent à verser une rémunération effective inférieure à 2,50 livres de l’heure (2,80 euros) compte tenu de l’obligation de fournir le véhicule, le carburant et l’uniforme, avec même parfois pénalité en cas de maladie. « Nos pratiques et nos lois doivent refléter l’évolution du monde du travail », devait estimer Theresa May, qui cherche à reconquérir l’opinion après avoir perdu sa majorité absolue au Parlement.