Pour Francesca Bria, directrice de l’innovation de la ville de Barcelone, la collaboration entre cités est nécessaire face aux plates-formes numériques commerciales « qui menacent la souveraineté politique des villes ». | CC BY-SA 2.0 Marco Giordana

A l’heure où la moitié de l’humanité est citadine, jusqu’où métropoles et villes moyennes peuvent-elles agir pour répondre aux grands défis internationaux ? Crises migratoire, environnementale, démocratique… Quelles sont leurs marges de manœuvre pour peser sur la marche du monde ? La question était au cœur des débats de la Ouishare Fest, organisée à Pantin du 5 au 7 juillet sur le thème « Villes de tous les pays, unissez-vous ! », et qui a réuni des acteurs de l’économie collaborative et de la gouvernance urbaine.

Après l’annonce du retrait des Etats-Unis de l’accord de Paris sur le climat, trois cent cinquante villes américaines se sont regroupées au sein de l’organisation Mayors National Climate Action Agenda pour affirmer leur volonté d’agir en faveur de la transition écologique. Une décision importante pour le Britannique Mark Watts, car elle « signifie que la décision de Donald Trump n’a pas suscité de découragement mais plutôt galvanisé les énergies des maires pour agir en faveur du climat ».

Mark Watts dirige le C40, réseau de quatre-vingt-six métropoles mondiales (dont New York, Séoul, Mexico…), créé en 2005 et actuellement présidé par la maire de Paris, Anne Hidalgo. Pour lui, le pouvoir des villes est réel, car elles disposent de nombreux atouts pour collaborer et partager leurs expériences :

« Au sein de nos groupes de travail, il y a beaucoup de souplesse, nous définissons des dénominateurs communs et imposons peu de règles ou de barrières. Les maires qui veulent travailler ensemble sur un thème le font tout simplement. Ce n’est pas le cas des Etats-nations, qui doivent défendre leurs frontières et leur économie, cela rend les choses compliquées pour les chefs d’Etat lorsqu’ils veulent se rassembler et travailler ensemble. »

L’environnement est au cœur du projet du C40, qui a défini une liste d’actions pour doter d’ici à 2020 les villes membres du collectif d’un plan de lutte contre le réchauffement climatique, plus contraignant que l’accord de Paris. Des réseaux de villes émergent sur d’autres sujets. Barcelone a réuni du 9 au 11 juin un sommet des « villes sans peur » pour « résister à la xénophobie, à l’extrême droite et à la puissance des multinationales », en présence des maires de Madrid (Espagne), Naples (Italie), Grenoble (France), Valparaiso (Chili), Berkeley (Californie). Pour Francesca Bria, directrice de l’innovation de la Ville de Barcelone, la collaboration entre cités est nécessaire face à la toute-puissance des plates-formes numériques commerciales « qui menacent la souveraineté politique des villes. Les villes sont des victimes d’Uber ou d’Airbnb. Il faut trouver des moyens d’agir face à ces nouveaux modèles qui dictent leur loi ».

Comme Londres ou Paris depuis le 4 juillet, la capitale catalane tente d’encadrer les pratiques d’Airbnb afin de freiner les flots de touristes qui transforment la ville en parc de loisirs géant et de mieux répartir les bénéfices. Elue en 2015 sous l’étiquette de la coalition de gauche Barcelone en commun, l’équipe municipale a mis en place une procédure qui oblige les propriétaires à détenir une licence pour louer leur logement sur le site, en se conformant à une charte établie par la mairie. Mais pour les élus catalans, la réglementation ne suffit pas. « Il nous faut aussi innover, proposer nos propres plates-formes plus collaboratives et ouvertes, affirme Francesca Bria. Nous avons besoin de partager les expériences et aussi les investissements publics. Que pouvons-nous faire ensemble en faveur de la transparence algorithmique ? » Barcelone mise sur la collaboration avec d’autres métropoles comme Berlin, New York, Moscou et Amsterdam pour peser dans les négociations avec les géants numériques.

Comme le rappelle Samuel Roumeau, directeur du programme de la Ouishare Fest, « les villes ne sont pas vouées à devenir des plates-formes marchandes au service de quelques-uns ». Elles peuvent être les leviers d’un projet politique pour « redonner du pouvoir au citoyen. » A condition de travailler à la transparence, mais aussi de former les citoyens à cette nouvelle démocratie numérique et de promouvoir des formes de gouvernance plus horizontales.

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