Les magistrats de nouveau en grève à Madagascar
Les magistrats de nouveau en grève à Madagascar
Par Laurence Caramel
Le syndicat des magistrats de la Grande Ile proteste contre les interventions répétées du pouvoir dans les procédures judiciaires.
Le Syndicat des magistrats de Madagascar (SMM) a débuté une grève de huit jours le 11 juillet 2017. | DR
Face au silence du gouvernement, les magistrats malgaches ont entamé une nouvelle grève, mardi 11 juillet, pour réclamer le respect de l’indépendance de la justice. Elle doit durer une semaine.
Le 28 juin, le Syndicat des magistrats malgaches (SMM) avait donné dix jours au gouvernement pour répondre à ses revendications et engager le dialogue. « Il ne s’est rien passé. Ni le président de la République, ni le premier ministre, ni le ministre de la justice n’ont réagi à notre lettre. Ils ne peuvent pas faire la politique de l’autruche », déplore Fanirisoa Ernaivo, la présidente du SMM, qui a reçu des menaces de mort.
Interférences
L’affaire Claudine Razaimamonjy, cette conseillère du chef de l’Etat, soupçonnée de détournement de fonds dans l’attribution de marchés publics à des communes est au centre de ce nouveau bras de fer entre les juges et le pouvoir. L’intervention directe du ministre de la justice, Charles Andriamimeza, pour réclamer la libération de la riche femme d’affaires auprès du Bureau indépendant anti-corruption (Bianco) chargé de l’enquête n’est que la manifestation la plus visible de ces interférences.
Le Bianco s’intéresse aussi aux conditions dans lesquelles « Mme Claudine », interdite de sortie du territoire, a pu bénéficier d’une évacuation sanitaire à l’île Maurice pour effectuer une angiographie cérébrale après un malaise qui serait survenu à la suite de son audition. La cellule indépendante agit notamment à la demande du procureur général de la cour d’appel d’Antananarivo, Jacques Randrianasolo qui a adressé le 27 mai une « lettre de dénonciation » mettant en cause le ministre de la santé, Mamitiana Andriamanarivo, la directrice de l’hôpital JRA d’Antananarivo, Oliva Rakoto Alson, et le chef de la police aéroportuaire, Lebaria Rufin pour « évasion concertée de détenu ».
« Favoritisme et abus de pouvoir »
Le procureur met également en cause le premier ministre, Olivier Mahafaly dont la fonction est de veiller à « l’exécution des décisions de justice ». Tout cela relève « d’agissements constitutifs d’infractions pénales pour favoritisme, abus de pouvoir, obstruction à la justice, trafic d’influence, connivence d’évasion, concussion », rappelle le magistrat dans la lettre que s’est procuré Le Monde Afrique.
Olivier Mahafaly, nommé à la primature en avril 2016, occupait jusqu’alors le poste de ministre de l’intérieur et de la décentralisation. A ce titre, il avait la haute main sur les subventions spéciales aux communes ayant servi à alimenter le vaste scandale de corruption sur lequel le Bianco essaie de faire la lumière. « Toutes les personnes qui doivent être entendues dans cette affaire le seront, assure l’entourage du directeur du Bianco. La loi anti-corruption prévoit que nous pouvons convoquer toute personne, qu’elle soit ministre ou directeur d’hôpital, sans autorisation préalable. »
Les difficultés rencontrées par les responsables de la lutte anti-corruption pour interpeller Claudine Razaimamonjy montrent toutefois que les proches de la femme d’affaires qui n’y ont pas intérêt disposent de grands moyens pour entraver les procédures.