TV : « La Maîtresse du président », un hymne à l’amour libre et joyeux
TV : « La Maîtresse du président », un hymne à l’amour libre et joyeux
Par Véronique Cauhapé
Jean-Pierre Sinapi restitue avec une belle allégresse la vie de Marguerite Steinheil, l’amante instruite et scandaleuse de Félix Faure (sur LCP à 22 h 30).
Leur rencontre ne laisse l’ombre d’aucun doute. C’est un coup de foudre. Il est séducteur et sait trouver les mots qui font rosir la jeune femme. Elle est troublée et ne résiste pas à cet homme aux yeux brillants, au sourire charmeur. Entre Marguerite Steinheil (Cristiana Reali) et le président de la IIIe République, Félix Faure (Didier Bezace), – tous deux mariés, lui à une femme qu’il n’aime plus, elle à un peintre raté, violent, désespéré et alcoolique qu’elle n’a jamais aimé – va naître une histoire d’amour, une complicité et une relation de confiance, bien éloignée de la simple aventure.
Une histoire qui, dans la réalité, fut réduite à ce dénouement hors du commun, à la fois tragique et « heureux » : la mort du chef de l’Etat dans les bras de sa maîtresse, dont la presse de l’époque fit ses choux gras. Le réalisateur Jean-Pierre Sinapi ( L’Affaire Ben Barka, Vive la bombe !, Camping à la ferme) et sa scénariste Martine Moriconi ont voulu aller au-delà, chercher ce qui avait bien pu lier ce président de la République d’origine modeste, politique modéré dont le mandat ne laissa guère de traces, sinon celle de sa vie amoureuse, et cette femme, Marguerite Steinheil, mondaine instruite et cultivée, émancipée dans une époque pétrie de convenances et de codes moraux, courtisane aimant la compagnie des peintres et des auteurs, prônant des idées féministes et modernes.
Cristiana Reali dans le rôle de Marguerite Steinheil, maîtresse de Félix Faure
La Maîtresse du président livre une galerie de beaux portraits, denses et profonds, que le réalisateur a visiblement pris plaisir à entraîner dans un tourbillon plein d’allégresse et de liberté. Ce ton léger que même l’issue finale ne parvient pas à assombrir, est joyeusement soutenu par les acteurs.
Cristiana Reali livre un jeu d’une grande justesse, en équilibre entre la légèreté et la dignité d’une femme éprise qui jusqu’au bout brave, avec prestance, le qu’en-dira-t-on et la vindicte publique. « Marguerite Steinheil est troublante, car c’est une femme à facettes, explique la comédienne. Avec son mari, elle maintient un rapport de pouvoir étrange. Elle ne l’aime pas, mais accepte de servir d’appât, d’attirer l’attention pour qu’il parvienne à décrocher des commandes. Marguerite n’a rien d’une victime. C’est une femme forte, qui sait manipuler. La liberté qu’elle n’a pas au sein de sa famille, elle n’hésite pas à la prendre en dehors. »
Au côté de cette femme rayonnante, Didier Bezace interprète un Félix Faure sympathique, un homme qu’être amoureux rend simplement heureux. Dans le rôle d’Adolphe Steinheil, Serge Riaboukine est épatant en grossier personnage perdu dans ce monde et ces sentiments qui se jouent autour de lui. Sur fond d’une peinture de l’époque, cette comédie amoureuse fait souffler un vent de modernité sur les costumes XIXe. De l’histoire dépoussiérée.
La Maîtresse du président, de Jean-Pierre Sinapi. Avec Cristiana Reali, Didier Bezace, Serge Riaboukine, Chantal Neuwirth (Fr., 2009, 83 min).