La ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, ouvre la concertation sur la réforme de l’accès à l’enseignement supérieur le 17 juillet. | CHARLY TRIBALLEAU / AFP

Que se cache-t-il derrière les futurs « prérequis » promis par Emmanuel Macron à l’entrée de l’université ? La réforme, qui doit mettre fin au tirage au sort à l’université, se révèle déjà un chantier ultrasensible, les acteurs de la communauté universitaire étant déjà très attentifs sur une potentielle sélection qui ferait son entrée à l’université.

Si tous ont déplorent une nouvelle session catastrophique d’admission dans l’enseignement supérieur et dénoncent unanimement le recours au tirage au sort, le modèle alternatif à mettre en place divise.

La ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, ouvre la concertation sur la réforme de l’accès à l’enseignement supérieur lundi 17 juillet, avec les représentants des étudiants, des présidents d’université, des enseignants et personnels et des parents d’élèves.

Promesse du candidat Macron, ces « prérequis » à l’entrée à l’université vont prendre la forme d’un « contrat étudiant », a pour l’instant précisé le premier ministre Edouard Philippe, lors de son discours de politique générale du 4 juillet. Et ce, dès la rentrée 2018, pour mettre fin au « scandale absolu » du tirage au sort.

Dans des licences surbookées toujours plus nombreuses, le recours au hasard intervient en effet en dernier ressort pour départager les candidats, depuis plusieurs années.

Casus belli

Le gouvernement se garde bien cependant de prononcer le mot de « sélection », ne traçant encore que quelques lignes floues pour ce contrat étudiant : il reposera sur les vœux des futurs étudiants, les exigences de chaque cursus, et les capacités d’accueil.

Mais s’il s’agit d’avancer masqué pour introduire la sélection à l’entrée à l’université, ce sera un casus belli, ont prévenu d’emblée les syndicats étudiants, qui menacent déjà d’une mobilisation à la rentrée.

Pour la première organisation étudiante, la FAGE, ces prérequis ne peuvent en aucun cas être « coercitifs » mais seulement « indicatifs », selon son président, Jimmy Losfeld, qui se dit cependant ouvert à la discussion pour une réforme qui doit porter sur « l’amélioration de l’orientation des lycéens et de l’articulation entre lycée et université ».

« Dire que les prérequis sont coercitifs, c’est un pléonasme », rétorque, à l’inverse le président de l’université Paris-Descartes, Frédéric Dardel, qui assume de parler de sélection, tout comme la Conférence des présidents d’université, qui défend depuis plusieurs années la mise en place de prérequis fixés par chaque établissement. « Continuer à dire que les universités doivent accueillir tout le monde avec n’importe quel bac et dans n’importe quelle filière, c’est de l’angélisme ou de l’idéologie. Aucun des étudiants venant d’un bac non-scientifique n’a réussi à valider l’une de mes trois licences scientifiques, depuis trois ans. On ne donne pas sa chance à chacun en laissant tout le monde entrer à la fac ! », avance le biologiste.

« Sortir de l’hypocrisie »

Le gouvernement dispose d’un laps de temps très limité pour rapprocher des lignes antagonistes : modifier les conditions d’entrée à l’université nécessite un texte législatif, à faire passer avant le début de la prochaine procédure d’admission dans l’enseignement supérieur, qui s’ouvre dans moins de six mois.

Avec une question complexe à trancher : quelles alternatives seraient proposées aux jeunes bacheliers jugés inaptes à rejoindre les bancs universitaires ? Outre l’idée d’un parcours de remise à niveau à l’université, évoquée par Frédérique Vidal, le premier ministre a annoncé la création d’un diplôme à bac+1 pour les bacheliers professionnels, dont les taux d’échec à l’université sont vertigineux. Une hypothèse qui fait déjà grincer plusieurs syndicats s’inquiétant d’une nouvelle filière qui ferait office de « voie de garage ».

« Mais quel que soit le mode d’orientation, il faut sortir de l’hypocrisie : si on n’augmente pas le nombre de places dans l’enseignement supérieur, et donc les moyens financiers des universités, alors que le nombre de jeunes qui arrivent augmente, on remet tout simplement en cause le droit de tout bachelier d’accéder aux études », alerte Lilà le Bas, présidente de l’UNEF.