Outre ses niveaux normaux déjà corsés, « The End is Nigh » propose des minijeux à la difficulté tout simplement extraterrestre. | Edmund McMillen, Tyler Glaiel

Cela fait sept ans que Super Meat Boy est sorti. Sept ans qu’il a redéfini le jeu de plate-forme, sept ans qu’il a contribué à donner ses lettres de noblesse au jeu vidéo indépendant. Sept ans qu’on se demande pourquoi sa suite pourtant annoncée, Super Meat Boy Forever, ne sort toujours pas.

Alors en attendant, Edmund McMillen, cocréateur du plus bondissant des bouts de viande, s’offre une petite respiration : elle s’appelle The End is Nigh, est sortie le 12 juillet sur PC, et est codéveloppée par son nouvel acolyte, un certain Tyler Glaiel.

Inutile de prétendre l’inverse, The End is Nigh doit énormément à Super Meat Boy. On y retrouve la même prise en main, la même nervosité, la même précision. La même exigence également : c’est aussi un jeu de plate-forme loin d’être évident, où les sauts sont aussi millimétrés que les pièges nombreux, et où la moindre erreur est immédiatement sanctionnée.

Heureusement, c’est aussi un jeu dans lequel la mort n’est qu’un contretemps négligeable. En un clin d’œil, le joueur est remis sur les rails, au début du tableau, immédiatement prêt à retenter de passer l’obstacle honni, quitte à s’y reprendre deux, dix, cinquante fois. Jusqu’à ce que la mémoire musculaire remplace l’adresse. Que la réflexion laisse place aux réflexes ; et que s’installe une sorte de flux, de flot, de transe faite de répétitions, d’échecs jamais très frustrants – mais juste assez pour rendre la victoire gratifiante.

On n’a que cent vies

The End is Nigh n’est pourtant pas une simple déclinaison du précédent jeu de plate-forme de McMillen. Les pièges y sont différents, certains mouvements aussi (la petite boule molle qui sert ici de héros ne peut pas rebondir sur les murs, elle est en revanche capable de s’accrocher aux rebords).

Surtout, c’est un monde (quasiment) d’un seul tenant et plus une simple succession de tableaux. The End is Nigh revêt ainsi une dimension exploratoire qui peut paraître au départ assez anecdotique mais qu’il finit par s’approprier le temps de quelques énigmes malignes et surtout de retournements formels complètement imprévus.

The End Is Nigh! (teaser trailer)

C’est d’ailleurs surtout dans sa seconde moitié que The End is Nigh marque la différence et se détache de son modèle. C’est là aussi qu’il esquisse ce qui aurait pu être sa meilleure idée : l’introduction d’un compteur de vies.

Mais on ne parle pas d’une bête poignée de vies supplémentaires livrées au compte-gouttes : ici les vies se comptent par centaines, comme chez l’excellent 1001 Spikes. Obligeant le joueur, certes, à ne pas faire n’importe quoi, mais tout en introduisant la notion de long terme, d’habitude étrangère aux jeux de plate-forme : perdre quatre ou cinq vies, ce n’est pas très grave quand on en a deux cents, mais ne va-t-on pas le regretter dans une heure, dans la dernière ligne droite, quand il n’en restera qu’une poignée ? C’est intéressant. C’est la théorie.

Car en pratique, parce qu’il recharge ce fameux compteur de vies à chaque point de sauvegarde, tous les vingt tableaux environ, The End is Nigh désamorce ce procédé si prometteur qui aurait sinon pu totalement modifier le rapport du joueur à l’environnement.

Le parfum de joyeuse fin du monde

Faute de mieux, il participe tout de même à maintenir le joueur sous pression, histoire de renforcer une ambiance déjà passablement étouffante. C’est la « patte » Edmund McMillen : si on a qualifié The End is Nigh de respiration, c’est avant tout une bouffée d’air vicié. Comme toujours chez lui, les jeux sont autant de réjouissantes mécaniques de précision que des véhicules pour ses obsessions morbides teintées d’humour noir (voire clairement scatologique), où les cadavres sont de bons copains et où les tumeurs sont des bonus.

Et rien de tel pour souligner le parfum de joyeuse fin du monde qui flotte ici qu’une bande originale ultra-emphatique : celle de The End is Nigh fait se rencontrer gaiement Satie, Brahms, Dvorak, Verdi, guitares rock et sonorités electro, et est, à ce titre, parfaite.

En bref

On a aimé :

  • L’exigence de précision et le challenge toujours renouvelé.
  • La rejouabilité pour trouver toutes les tumeurs et finir les minijeux à la difficulté démentielle.
  • La bande originale qui tord et réinvente des classiques du classique.

On n’a pas aimé :

  • Un jeu qui ne va pas au bout de toutes ses idées.

C’est plutôt pour vous si…

  • Vous n’en pouvez plus d’attendre Super Meat Boy Forever.

Ce n’est plutôt pas pour vous si…

  • Vous trouvez les jeux Kirby et Yoshi déjà beaucoup trop durs.

La note de Pixels :

8 manettes cassées/10.