Le chanteur de Radiohead, Thom Yorke, lors d’un concert au festival Glastonbury, au Royaume-Uni, le 23 juin. | DYLAN MARTINEZ / REUTERS

Radiohead est prêt à déplaire au réalisateur Ken Loach ou au musicien Roger Waters (Pink Floyd). Le groupe de rock britannique jouera mercredi 19 juillet en Israël, ignorant l’appel lancé depuis quelques mois par plusieurs célébrités à annuler son concert, sur fond de campagne internationale de boycott pour dénoncer l’occupation des Territoires palestiniens.

Le leader de Radiohead, Thom Yorke, a balayé les critiques dans un message publié sur Twitter la semaine dernière, assurant que « jouer dans un pays ne veut pas dire cautionner son gouvernement » :

« Nous avons joué en Israël pendant plus de 20 ans avec des gouvernements successifs, certains plus libéraux que d’autres. Comme en Amérique. Nous ne soutenons pas plus Nétanyahou que Donald Trump, mais nous continuons à jouer aux Etats-Unis (…) La musique, l’art, consiste à franchir les murs et non pas en construire. »

Thom Yorke répondait ici directement à une tribune du réalisateur britannique Ken Loach publié dans The Independent et dans laquelle il estimait que le groupe devait faire un « choix simple » :

« Radiohead doit décider s’il s’oppose aux opprimés ou à l’oppresseur. »

Le cinéaste, connu pour ses films engagés comme Le vent se lève ou Moi, Daniel Blake, est l’un des nombreux artistes ayant pris part ces dernières années à une campagne de boycott contre l’occupation des Territoires palestiniens par Israël depuis plus de cinquante ans.

Boycott, désinvestissement, sanctions

Derrière les appels exhortant Radiohead à annuler son concert, on trouve le nom de BDS (Boycott Desinvestissement Sanctions), un mouvement qui dit s’inspirer de la campagne contre l’apartheid en Afrique du Sud. Il cherche à mettre fin à l’occupation israélienne de la Cisjordanie et ses militants affirment que des groupes tels que Radiohead franchissent une ligne rouge lorsqu’ils jouent en Israël. De son côté, le gouvernement israélien considère cette campagne comme une menace et l’accuse d’antisémitisme – ce que les militants nient fermement, dénonçant une tentative pour les discréditer.

Un certain nombre de musiciens politiquement actifs ont déjà annulé des spectacles en Israël ces dernières années, comme Lauryn Hill en 2015 ou Elvis Costello en 2010. Mais tous n’ont pas suivi. Samedi soir, Guns N’Roses a joué devant 60 000 spectateurs à Tel-Aviv. Britney Spears et Elton John se sont également produits récemment.

La date de Radiohead dans l’Etat hébreux a particulièrement attiré l’attention, le groupe étant connu pour avoir pris plusieurs fois position sur des sujets politiques, notamment en faveur de la cause environnementale. En 2003, l’album Hail to the Thief a été vu en partie comme une réponse à la présidence de George W. Bush aux Etats-Unis.

Omar Barghouti, un des responsables du mouvement BDS, parle d’une politique de « deux poids deux mesures » de la part de Radiohead :

« Ils ont soutenu les droits de l’homme ailleurs, mais lorsqu’il s’agit de la lutte palestinienne pour la liberté, la justice et l’égalité, ils ont ignoré obstinément nos appels, aidant ainsi la machine de propagande israélienne à dissimuler son déni de nos droits. »

Un concert quasi complet

Pour Thom Yorke, il est « condescendant à l’extrême » d’affirmer que Radiohead ne soit pas familiarisé au conflit israélo-palestinien, invoquant l’origine israélienne de la femme du guitariste Jonny Greenwood, Sharona Katan. « C’est vraiment gênant que des artistes que je respecte pensent que nous ne sommes pas capables de prendre une décision morale par nous-mêmes après toutes ces années », déclarait-il au début du mois de juin au magazine Rolling Stone.

Le concert de Radiohead au parc Hayarkon de Tel-Aviv devrait, en tout cas, se dérouler mercredi à guichets fermés. Selon l’organisateur, Naranja, 50 000 places ont déjà été vendues – au prix de 117 euros – sur les 51 000 disponibles.

Au-delà de ses positions, Radiohead reste l’un des plus grands groupes au monde, encensé par les critiques pour avoir étendu les frontières de la musique rock après les années 1990. Le quintet célèbre, cette année, les vingt ans de son album mythique OK Computer.