Les juges de la CPI devront réexaminer la demande de libération de Laurent Gbagbo
Les juges de la CPI devront réexaminer la demande de libération de Laurent Gbagbo
Par Stéphanie Maupas (La Haye, correspondance)
La chambre d’appel a estimé que les juges de première instance n’ont pas tenu compte du dossier médical de l’ex-président ivoirien pour statuer sur sa demande de libération provisoire.
Laurent Gbagbo reste en prison, mais la série qui tient en haleine la Côte d’Ivoire, n’est pour autant pas terminée. La décision de la chambre d’appel de la Cour pénale internationale (CPI), rendue mercredi 19 juillet, est un nouvel épisode d’un long feuilleton.
La chambre d’appel de la Cour pénale internationale (CPI) a ordonné aux juges de première instance de réexaminer la demande de libération de l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo pour le reste de son procès, ce qui constitue une petite victoire pour le plus illustre accusé par la justice internationale.
Premier ex-chef d’Etat remis à la CPI, Laurent Gbagbo avait fait appel en mars de la décision de la CPI de le maintenir en détention à La Haye pendant toute la durée de son procès pour « crimes contre l’humanité » commis lors de violences post-électorales qui avaient déchiré la Côte d’Ivoire en 2010-2011.
« La chambre d’appel décide d’annuler la décision remise en question et ordonne à la chambre de première instance de mener un nouvel examen » pour « savoir si M. Gbagbo devrait continuer à être détenu ou devrait être libéré avec ou sans conditions », a déclaré le juge Piotr Hofmanski.
Depuis son transfèrement à La Haye en novembre 2011, Laurent Gbagbo a demandé à onze reprises sa mise en libération provisoire.
En mars, la chambre de première instance avait décidé de rejeter sa nouvelle demande, mais sans consulter le dernier dossier médical de l’accusé, âgé de 72 ans, et qui a déjà passé six années en détention. Le juge Hofmanski, qui a réclamé un réexamen de la décision, est par ailleurs allé à l’encontre de ses collègues de la chambre de première instance qui considéraient que l’âge de M. Gbagbo a été utilisé « comme un facteur renforçant son désir de fuite, plutôt que comme facteur qui pourrait potentiellement atténuer la possibilité de fuir ».
Les magistrats de la Cour d’appel reprochent également à leurs pairs de s’opposer à la libération au motif que Laurent Gbagbo ne reconnaît aucune responsabilité dans les crimes qui lui sont reprochés. Ils précisent à ce titre qu’un accusé a, évidemment, le droit de garder le silence.
Militantisme
Cependant, ces erreurs ne remettent pas en cause le fond de la décision : Laurent Gbagbo restera en prison. Notamment parce que la chambre d’appel ne revient pas sur l’argument central pour lequel Laurent Gbagbo reste détenu : l’existence d’un réseau de partisans susceptible de l’aider à prendre la fuite. La chambre d’appel a confirmé que s’il n’existe pas « d’indications spécifiques » montrant que les fidèles de l’ancien chef d’Etat pourraient organiser son évasion, elle ne peut « en écarter la possibilité ».
Les avocats de l’ancien président ivoirien espéraient que les juges reviendraient sur cette décision, basée sur des éléments fournis par le procureur il y a quatre ans. Or ils ne l’ont pas fait, mais ont de plus considéré que le militantisme des partisans de M. Gbagbo plaidait contre leur mentor.
Même s’ils n’étaient qu’une poignée à La Haye mercredi, ces militants organisent régulièrement des manifestations. Et la pétition en faveur de sa libération, lancée par l’écrivain ivoirien Bernard Dadié et l’ex-premier ministre togolais Joseph Koffigoh qui, selon eux, aurait recueilli 26 millions de signatures, ne plaide pas plus, pour la Cour, en faveur de la libération de l’ancien président.
La onzième demande de libération provisoire de Laurent Gbagbo n’est donc toujours pas tranchée et son élargissement, même sous condition, ne devrait pas intervenir dans les prochaines semaines. Néanmoins, les juges de première instance sont divisés. En mars, le juge Cuno Tarfusser, qui préside la chambre de première instance conduisant le procès, jugeait que l’ancien chef d’Etat devait être libéré sous conditions. Une résidence surveillée, sur le territoire d’un Etat coopérant sans entraves avec la Cour, et proche de La Haye, où se déroule son procès depuis dix-huit mois.
Le juge rappelait que l’accusé doit être jugé dans des délais raisonnables. Le procureur devrait boucler la présentation de ses témoins en janvier 2018. Ce sera ensuite au tour des victimes et des avocats, ceux de Laurent Gbagbo, et de son co-accusé, Charles Blé Goudé, de présenter les leurs. Le verdict n’est pas attendu avant 2020.