Au Venezuela, la tyrannie du camp Maduro
Au Venezuela, la tyrannie du camp Maduro
Editorial. Face à une opposition qui réclame des élections libres anticipées, le régime répond par une répression brutale. Une médiation des pays voisins et le retrait du clan au pouvoir deviennent urgents.
Des manifestants affrontent les forces de l’ordre dans les rues de Caracas, au cours de la grève générale du 20 juillet 2017. | ANDRES MARTINEZ CASARES / REUTERS
Editorial du « Monde » Un peuple épuisé, un pays exsangue, en proie au chaos et à la misère, sous la botte d’un régime qui a sombré dans le gangstérisme : combien de temps la tragédie vénézuélienne peut-elle encore durer ? Héritier du « chavisme », autant dire d’un désastre économique et social de proportions historiques, le président Nicolas Maduro s’accroche au pouvoir, dans une fuite en avant où la violence d’Etat est le lot quotidien des citoyens.
Ceux-ci ont pourtant plébiscité l’opposition au régime dimanche 16 juillet, lors d’un référendum informel et symbolique organisé par le Parlement, contrôlé par les opposants. Depuis sa défaite aux législatives de décembre 2015, le successeur de l’ancien président Hugo Chavez (1999-2013) a repoussé sine die tous les scrutins prévus par la loi. Le pouvoir chaviste, longtemps imbattable dans les urnes, est désormais minoritaire dans l’électorat, mais refuse l’alternance.
Gabegie populiste et corruption
Il biaise, cherche des dérivatifs. Ainsi de la convocation d’une Assemblée constituante, qui doit être désignée le 30 juillet, selon un mode de scrutin corporatif, contraire au suffrage universel et à la Constitution chaviste elle-même. Cette Constituante est destinée à remplacer les institutions qui échappent à l’emprise de l’exécutif, comme le Parlement.
Depuis début avril, les Vénézuéliens disent « basta » à la prétendue « révolution bolivarienne », qui a ruiné une nation richissime en pétrole. Ce n’est pas la chute des cours du brut qui a précipité l’effondrement de l’économie, c’est la gabegie populiste, l’étatisation des secteurs-clés souvent confiés à des militaires incompétents, la corruption dans des proportions jamais vues auparavant : la moitié de la rente pétrolière des vingt dernières années a disparu sans laisser de trace.
Le « chavisme » masque un Etat mafieux, impliqué dans tous les trafics, de la drogue aux armes. Le pays est une des principales plates-formes d’exportation de stupéfiants vers l’Europe. Dernier pilier du régime, les forces armées détiennent un tiers des ministères et une partie de l’économie. Certains milieux militaires font des affaires juteuses, grâce entre autres au contrôle des changes institué depuis une quinzaine d’années.
Le sort des Vénézuéliens est moins enviable. Récession, hyperinflation, dévaluation de la monnaie et perte vertigineuse de pouvoir d’achat : l’appauvrissement est général. Le 16 juillet, les 7,5 millions de participants au référendum venaient aussi bien des quartiers des classes moyennes que des banlieues et « barrios » plus pauvres.
Incompétence et banditisme d’Etat
Face à cette opposition qui exige des élections libres anticipées, Maduro répond par une répression brutale, l’usage disproportionné de la force, les arrestations de masse et le recours aux tribunaux militaires contre des civils. Depuis mai, la soldatesque du régime a abattu par balles une centaine de manifestants. Deux jeunes gens ont encore été tués lors de manifestations accompagnant, jeudi 20 juillet, une journée de grève générale dans le pays.
Dans ce face-à-face inégal, les opposants ont besoin de solidarité internationale. Les grands voisins du Venezuela, comme la Colombie, doivent imposer une médiation, puis un retrait ordonné du clan Maduro. Il n’y a pas d’autre solution. Le populisme, version Hugo Chavez, a ravagé un pays, ruiné ses habitants, déchiré un tissu social déjà fragile. C’est l’alliance de l’incompétence et du banditisme d’Etat sur fond de tyrannie politique. Et rien d’autre.