Connu pour ses vidéos enflammées et ses prises de position engagées, le journaliste marocain Hamid Al-Mahdaoui est derrière les barreaux. Arrêté le 20 juillet à Al-Hoceima, où la contestation ne faiblit pas, le directeur du site d’information arabophone Badil.info a été condamné, mardi 25 juillet, à trois mois de prison ferme et à une amende de 20 000 dirhams (1 800 euros). Il était poursuivi pour avoir incité des personnes à « participer à une manifestation interdite et à contribuer à son organisation ». Ce jour-là, le mouvement contestataire Hirak avait bravé l’interdiction de manifester pour descendre dans la rue de manière pacifique.

Sept journalistes arrêtés

« Hamid Al-Mahdaoui a été jugé selon le Code pénal et non selon celui de la presse », estime l’avocat et défenseur des droits humains Mohamed Messaoudi, présent lors du procès, lundi, à Al-Hoceima. Le journaliste est accusé d’avoir pris la parole en public, la vieille de son arrestation, pour appeler à manifester : un acte qui n’a « aucun rapport avec le travail journalistique », selon le parquet d’Al-Hoceima.

Mais les organisations de défense des droits humains dénoncent un jugement avant tout politique dans un contexte de tensions grandissantes dans le Rif. « Il s’agit d’une agression à l’encontre d’un journaliste exerçant son devoir de relayer l’information et de couvrir un événement », a déclaré le secrétaire général de l’Alliance internationale pour la défense des droits et des libertés au Maroc, Mohamed Zhari, dans un message posté sur sa page Facebook.

Depuis le début du mouvement, en octobre 2016, sept journalistes ont été arrêtés à Al-Hoceima. Dans un communiqué publié samedi, Reporters sans frontières (RSF) a pointé « de nombreuses violations de la liberté d’informer ». « La situation des journalistes marocains et étrangers couvrant les événements dans le nord du Maroc ne cesse de se dégrader. À vouloir empêcher la couverture médiatique de la révolte du Rif, les autorités marocaines font peu à peu de cette région une zone de non-droit à l’information indépendante », a fustigé la directrice du bureau Afrique du Nord de RSF, Yasmine Kacha.

Une équipe de télévision agressée

Lors de la marche interdite du 20 juillet, alors que le centre-ville d’Al-Hoceima a été le théâtre d’affrontements entre manifestants et forces de l’ordre, le travail des journalistes sur place a été compliqué par le ralentissement et l’interruption par moments d’Internet, qui a joué un grand rôle depuis le début de la contestation. « Ça a commencé jeudi matin. Il n’y avait quasiment plus de 3G et le réseau téléphonique était perturbé dans toute la ville pour des raisons inconnues », témoigne Zohra Koubia, une militante de l’Association marocaine des droits humains (AMDH) à Al-Hoceima : « La connexion normale n’est revenue que vendredi soir. »

Mais les journalistes n’étaient pas au bout de leurs peines. Le jour même, plusieurs d’entre eux ont été pris pour cible par les manifestants. « Alors que je photographiais des jeunes cagoulés qui lançaient des pierres sur les autorités, ils se sont mis à m’encercler, raconte Yassine Toumi, le photographe de l’hebdomadaire Telquel. Ils m’ont soupçonné de travailler pour les autorités et de me servir de mon appareil photo comme prétexte pour les identifier et les dénoncer. » Les manifestants lui ont donné plusieurs coups avant de subtiliser son matériel. « Heureusement, certains se sont souvenus de moi puisque j’avais couvert les manifestations le mois dernier. Ils m’ont rendu mon appareil et m’ont conseillé de quitter les lieux », poursuit le photographe.

Dans un autre quartier d’Al-Hoceima, une équipe de la chaîne de télévision 2M a également été prise à partie. Dans une vidéo publiée sur le site Le360.ma, on voit l’équipe de tournage assaillie par des manifestants mécontents de sa présence.

Le360.ma •شاهد لحظة اعتداء محتجي الحسيمة على طاقم دوزيم

Un cameraman du site d’information Panorapost ainsi qu’un photographe de l’agence turque Anadolu ont eux aussi été interpellés par des manifestants. « On ne fait plus la différence entre policier, militant et journaliste. Tout le monde est pris pour cible, même les médias », résume Zohra Koubia, de l’AMDH.