Le Conseil d’Etat refuse d’agir face à la surpopulation carcérale de la prison de Fresnes
Le Conseil d’Etat refuse d’agir face à la surpopulation carcérale de la prison de Fresnes
Le Monde.fr avec AFP
Estimant que le juge administratif ne peut remédier aux violations des droits des détenus que par des mesures d’urgence, le Conseil d’Etat a refusé d’ordonner un vaste plan contre l’insalubrité et la surpopulation.
La prison de Fresnes en 2016. | PATRICK KOVARIK / AFP
C’est l’une des prisons les plus difficiles de France. Estimant que le juge administratif ne peut remédier aux violations des droits des détenus que par des mesures d’urgence, le Conseil d’Etat a néanmoins refusé, vendredi 28 juillet, d’ordonner un vaste plan contre l’insalubrité et la surpopulation carcérale à la prison de Fresnes (Val-de-Marne).
Environ 2 500 détenus y sont incarcérés. Outre les rats et les punaises de lit qui infestent l’établissement, la surpopulation de la maison d’arrêt des hommes y dépasse 200 %. Plus de la moitié des détenus sont enfermés à trois dans une cellule de 10 m 2.
La situation, déjà dénoncée par des rapports officiels, avait poussé l’Observatoire international des prisons (OIP) à réclamer un « plan d’urgence » pour rénover l’établissement vétuste et baisser le nombre de détenus.
L’association avait obtenu en avril que le tribunal administratif de Melun (Seine-et-Marne) ordonne en urgence la dératisation et la désinsectisation de la prison sous trois mois. Elle réclamait aussi une vaste rénovation de la maison d’arrêt, et des moyens supplémentaires pour les services judiciaire et pénitentiaire afin de réduire la population carcérale, mais avait été déboutée sur ces points.
Le rôle du juge administratif limité aux mesures d’urgence
Saisi du dossier, le Conseil d’Etat a confirmé ce rejet en appel. Les conditions de détention à Fresnes « sont de nature à porter atteinte à la vie privée des détenus et de les exposer à des traitements inhumains et dégradants », a reconnu la juridiction administrative suprême, dans un communiqué expliquant sa décision.
Mais l’atteinte aux libertés fondamentales « doit s’apprécier en tenant compte des moyens de l’autorité administrative compétente et des mesures (...) déjà prises », estime le Conseil d’Etat.
Dans le cas de Fresnes, « aucune atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ne peut être retenue » selon lui : l’administration pénitentiaire reste dépendante de l’autorité judiciaire qui détermine l’afflux de détenus. Et la lutte contre les nuisibles est déjà en cours.
Le Conseil d’Etat a également insisté sur le rôle du juge administratif, limité aux mesures d’urgence comme celles ordonnées à Melun. Les travaux et les moyens réclamés par l’OIP « sont des mesures d’ordre structurel, insusceptibles d’être mises en œuvre et d’avoir des effets à bref délai », estime-t-il.
« L’Etat refuse d’intervenir »
Cette décision est « contraire à la jurisprudence européenne, qui considère que l’Etat ne peut pas se retrancher derrière des arguments financiers ou procéduraux pour refuser d’intervenir face à une violation des droits fondamentaux », a réagi Nicolas Ferran, responsable juridique de l’OIP.
L’association soutient de nombreux recours de détenus devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), qui dénoncent leurs conditions de détention dans plusieurs prisons françaises. Elle espère pousser la CEDH à prendre un arrêt pilote contre la France, qui la forcerait à agir contre sa surpopulation carcérale.
Le cas de Fresnes montre que « le juge administratif s’estime impuissant, c’est désormais à la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) de trancher », a conclu M. Ferran.