A Aulnoye-Aymeries, Nuits secrètes et bus magiques
A Aulnoye-Aymeries, Nuits secrètes et bus magiques
Par Laurie Moniez (Aulnoye-Aymeries (Nord), envoyée spéciale)
Malgré la fin de la gratuité, la petite ville du Nord a accueilli 33 000 festivaliers en quête de surprises musicales.
Les bus ronronnent. Les festivaliers affluent. Les secrets sont bien gardés. Au cœur de l’Avesnois, verdoyante petite Suisse du Nord, une brunette trépigne en montant dans le car : « Alors, on va voir quoi ? Jeanne Added ? » Imperturbable, un « agent secret » affublé d’un tee-shirt orange, comme les 350 bénévoles des Nuits secrètes, lui sourit et botte en touche : « Oui, peut-être, ou Bob Marley ! »
Bienvenue à Aulnoye-Aymeries où le festival Les Nuits secrètes continue de surprendre, seize ans après son lancement au milieu des champs de maïs. Ici, il faut prendre la poudre d’escampette, s’éloigner de la Grande Scène où jouent les têtes d’affiche – Julien Doré, Camille ou Nekfeu –, pour s’aventurer dans l’un des seize parcours qui promettent de l’inédit, de l’insolite.
Les Nuits Secrètes 2017
Un instant de poésie
Samedi 29 juillet dans l’après-midi, ils sont une centaine à s’engouffrer dans un bus aux fenêtres recouvertes d’aluminium. Personne ne sait où le chauffeur les emmène. Dans une usine, une église, un ancien moulin, un château ? Et pour découvrir quel artiste ? Mathieu Boogaerts, Sébastien Martel, Jacques ? Le chauffeur du bus, un Ch’ti rigolard, coupe le moteur devant la salle de basket d’Aulnoye-Aymeries. Les festivaliers prennent place dans l’enceinte sportive, sur des tapis de sol, prêts pour un match décalé : le chanteur Albin de la Simone, debout derrière son clavier, se lance dans un ping-pong verbal et musical avec la romancière Brigitte Giraud. Dans une ambiance cotonneuse, on ne s’envoie pas des balles mais des mots d’amour. Le public se laisse doucement glisser dans cet instant de poésie.
Les heures tournent, les bus aussi : nous voilà à bord d’un véhicule custumisé, avec néons bleus au plafond, enchaînant les tours de rond-point à la sortie de la petite ville du Nord, histoire de secouer les festivaliers entassés à l’intérieur. Quelques dizaines de kilomètres plus loin, tout le monde descend. Il faut aimer les surprises aux Nuits secrètes : les voyageurs sont conviés à se recueillir dans la petite église de Dourlers, 584 habitants. Mais la messe est assurée par les jeunes Australiens de Parcels, quintette remarqué sur la scène internationale cette année pour leur électro-funk enfiévré. Concert unique pour concept unique.
Durant le week-end, 33 000 festivaliers se sont ainsi rendus aux Nuits secrètes. Certains pour découvrir la nouvelle scène de l’Eden, squelette d’acier d’une usine désaffectée où l’on fabriquait des bombes, aujourd’hui devenu temple de l’électro et bientôt futur pôle régional des musiques actuelles. L’Eden vient remplacer le Jardin, scène autrefois installée dans un écrin de verdure mais désormais inaccessible : un hôtel va y être construit. « Après le Jardin, l’Eden, plaisante Olivier Connan, directeur et programmateur des Nuits secrètes. Ce lieu est l’une des révélations de cette édition ».
BCUC || Vumani || Official Video
D’autres festivaliers sont venus pour se laisser surprendre par les « Parcours secrets » en découvrant, par exemple, les incroyables Sud-Africains de BCUC au Théâtre de verdure de Lez-Fontaine, 237 âmes, à la frontière belge. Condensé d’énergie, BCUC (acronyme de Bantu Continua Uhuru Consciousness), groupe originaire de Soweto, a mis K.O. le public, scotché par la transe dégagée de leur performance. « C’est ça, les “Parcours secrets”, ajoute Olivier Connan. Soit la rencontre entre une équipe qui organise, un artiste et un public. Le tout dans un lieu atypique. Ça crée des moments intenses, rares, différents de ce qu’il y a ailleurs. »
« Un ancrage local »
Le directeur des Nuits secrètes transforme les nuits nordistes en fabrique à émotions : « Dans le Nord, où il pleut tout le temps, on ne vit pas dehors. Moi, en créant ce festival, je voulais que les gens vivent la nuit », confie-t-il. Pari réussi. Et malgré des subventions en baisse, des frais liés à la sécurité en forte augmentation, et l’obligation de compenser ce manque à gagner en faisant payer l’accès aux scènes principales, Les Nuits secrètes et son budget de 1,2 million d’euros continuent de séduire. « L’an dernier, on a accueilli 42 000 personnes dont 28 000 en accès payant. Cette année, avec la fin de la gratuité, on est à 33 000, précise Olivier Connan. C’était ça ou on arrêtait. » Impensable. « Je me mets en phase avec mon public, on s’adapte », ajoute le directeur originaire de l’Avesnois.
Pour la première fois, les Nuits secrètes ont essaimé cette année en s’installant à Dunkerque. Une première édition intitulée La Bonne Aventure qui a accueilli 26 000 spectateurs fin juin. Et – ce n’est plus un secret – une deuxième édition est déjà annoncée pour 2018.
Sur le Web : www.lesnuitssecretes.com