« Belle de jour » : Deneuve sous toutes les coutures
« Belle de jour » : Deneuve sous toutes les coutures
Par Clément Ghys
« Belle de jour », dont la version restaurée est en salle ce 2 août, c’est aussi la rencontre entre Yves Saint Laurent et Luis Buñuel. Proposé par Catherine Deneuve au réalisateur, le couturier crée des tenues qui révolutionneront le vestiaire féminin.
En 1966, une jeune actrice de 23 ans, Catherine Deneuve, entre dans l’atelier d’une maison de couture, au 30 bis de la rue Spontini dans le 16e arrondissement parisien. Elle s’apprête à tourner le rôle-titre d’un film, Belle de jour, et a suggéré au réalisateur, l’Espagnol Luis Buñuel, de faire appel au jeune génie de la mode parisienne, Yves Saint Laurent, 30 ans.
Détourner le classicisme
Si ce jour de 1966 fait date, c’est qu’il marque des noces inédites entre la mode contemporaine et le cinéma, entre la vision d’un couturier, celle d’un cinéaste, et la personnalité d’une actrice. En adaptant, avec le scénariste Jean-Claude Carrière, l’ouvrage de Joseph Kessel (paru en 1928), Luis Buñuel cherchait à montrer la complexité du désir de Séverine, jeune femme bourgeoise, épouse d’un médecin, qui se prostitue l’après-midi dans un bordel de luxe. Buñuel s’efforce de faire un film qui résonne avec son époque, mais qui s’ancre peu dans les modes d’alors. Pour les costumes, il veut des tenues qui reflètent l’ambiance du film. Une atmosphère ambiguë, trouble, et pop, à mille lieues des clichés baudelairiens et érotisants sur les boudoirs. Après que Catherine Deneuve a soufflé le nom de Saint Laurent, Buñuel assiste aux premiers essayages, puis, rassuré, laisse carte blanche au couturier.
BELLE DE JOUR - Version restaurée - Bande annonce Cannes Classics 2017
Yves Saint Laurent dessine un vestiaire aussi ambivalent que l’est le personnage. Notamment une petite robe noire à col et poignets blancs, sage comme la tenue d’une écolière, et un ciré en vinyle noir provocant. Avec ces tenues, le couturier, qui disait détester les bourgeoises, appose sa patte révolutionnaire, inventant une allure qui détourne le classicisme qui a, par la suite, été sans cesse copiée. Ces costumes marqueront le début de l’amitié entre Yves Saint Laurent et Catherine Deneuve. Il l’habillera à de nombreuses reprises au cours des décennies suivantes. Le 22 janvier 2002, jour de son dernier défilé haute couture, organisé au Centre Pompidou à Paris, elle montera sur scène et lui chantera le morceau de Barbara, Ma plus belle histoire d’amour.
« Belle de jour » (1 h 40), de Luis Buñuel. Version restaurée en salle le 2 août.