Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker arrive au siège de l’UE à Bruxelles en Belgique, le 26 juillet 2017. | ERIC VIDAL / REUTERS

La réaction n’a pas tardé. Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, s’est dit prêt à prendre des « contre-mesures » à l’égard des Etats-Unis si les nouvelles sanctions économiques contre la Russie, promulguées mercredi 2 août par Donald Trump, devaient léser des entreprises européennes.

« Nous sommes préparés : nous devons défendre nos intérêts économiques et nous le ferons », a expliqué M. Juncker à la radio allemande ARD. Pas un hasard, sans doute : ce sont surtout de grandes entreprises allemandes du secteur de l’énergie qui pourraient voir leurs intérêts en Russie menacés. Et c’est le projet de gazoduc Nord Stream 2, qui doit relier la Russie à l’Allemagne, qui serait entravé.

M. Juncker avait demandé à ses services de préparer une riposte éventuelle au projet américain, qui vise prioritairement le secteur énergétique russe, mais aussi la Corée du Nord et l’Iran. Il se dit « satisfait » que la version initiale du texte a été revue et que les sanctions ne puissent – en théorie – être décidées qu’en concertation avec les alliés des Etats-Unis. « Or, je considère encore que nous sommes des alliés », a-t-il expliqué.

Si l’Union compte exercer sa vigilance, c’est parce que le projet américain vise le transport d’énergie, la maintenance des canalisations de gaz russe alimentant l’Ukraine et, peut-être, la diversification d’approvisionnement pour les pays baltes. M. Juncker n’a, en revanche, pas évoqué, mercredi, Nord Stream 2, qui divise toujours les Etats de l’UE et risque, en réalité, d’accroître la dépendance de l’Europe – et de l’Allemagne en particulier – à l’égard de la Russie et du géant Gazprom, qui couvre déjà 45 % des besoins en gaz de la zone euro.

Le contrat de financement (plus de 9 milliards d’euros) a été bouclé en avril, mais plusieurs pays de l’Est et diverses associations écologistes continuent de s’opposer à la réalisation du projet, censé être opérationnel en 2019.

Si l’UE refuse d’être davantage dépendante de la Russie – à l’égard de laquelle elle maintient, par ailleurs, sa propre politique de sanctions –, elle devra se tourner vers d’autres fournisseurs. Ils ne sont pas légion et au premier rang de ceux-ci figurent… les Etats-Unis. Devenus le premier producteur mondial de gaz de schiste, ils tentent d’exporter massivement leur gaz naturel liquéfié (GNL), présenté comme une alternative à la production russe. D’où le soupçon qu’au-delà des sanctions visant Moscou, les parlementaires du Congrès veulent surtout favoriser leurs entreprises en empêchant Nord Stream 2, qu’ils décrivent comme « présentant des risques » pour l’UE.

« Guerre économique totale »

M. Trump a, pour sa part, signé sans enthousiasme – et sans la présence habituelle des caméras – le texte qui lui a été imposé par le Congrès, le jugeant « très imparfait » et comportant des clauses « non conformes à la Constitution ». Les élus américains entendaient officiellement sanctionner Moscou pour l’annexion de la Crimée, son rôle en Ukraine et surtout son ingérence dans l’élection présidentielle américaine.

Malgré ses évidentes réticences et ses craintes de voir ses relations avec le Kremlin se compliquer un peu plus, le président américain n’a pas opposé son veto : le projet avait été approuvé à la quasi-unanimité et aurait, s’il s’y était opposé, été revoté aux deux tiers, ainsi que l’exige la procédure constitutionnelle. « Je promulgue cette loi au nom de l’union nationale », a indiqué M. Trump, en déplorant la limitation de sa marge de manœuvre et de sa capacité à rapprocher les Etats-Unis de « la Chine, la Russie et la Corée du Nord ».

Moscou a réagi, mercredi soir, en estimant que la promulgation « ne change rien ». En guise de représailles, le Kremlin a ordonné le week-end dernier le départ de 755 des 1 200 personnes rattachées à l’ambassade et aux services consulaires américains dans la capitale russe. Le premier ministre, Dmitri Medvedev, considère que les nouvelles sanctions constituent « une déclaration de guerre économique totale contre la Russie ».