« Snaps » géolocalisés et messages Instagram : le feuilleton Neymar raconté en ligne
« Snaps » géolocalisés et messages Instagram : le feuilleton Neymar raconté en ligne
Par Luc Vinogradoff
L’interminable et rocambolesque histoire du transfert de Neymar n’existerait pas sans l’impulsion médiatique des rumeurs, bribes d’infos et interprétations de likes.
Où vas tu, Neymar ? | Manu Fernandez / AP
Depuis un mois, la question de savoir où Neymar jouera au football la saison prochaine occupe une place démesurée dans l’espace médiatique. Le joueur du FC Barcelone, qui a annoncé son départ du club mercredi 2 août, est attendu au Paris-Saint-Germain, un transfert actuellement en suspens, la Ligue espagnole s’y opposant.
L’insistance entourant la venue de la star brésilienne au PSG a été faite de rumeurs, de bribes d’informations, de confirmations anonymes impossibles à vérifier, d’interprétations de « likes » sous une photo. Le résultat a été des milliers d’articles – en français, en espagnol, en brésilien – avec beaucoup de conditionnel et des « unes » avec beaucoup de points d’interrogations.
L’homme qui vaudrait potentiellement 220 millions d’euros n’a jamais parlé de manière officielle depuis le début de cette séquence médiatique qu’il a créée. On ne sait pas ce qu’il pense, où il veut aller, ce qu’il a sur le cœur. L’impulsion médiatique vient de son entourage, sa famille, son agent, ou des journalistes qui ont l’oreille du footballeur.
Mais Neymar parle indirectement, à travers ses comptes sur les réseaux sociaux. S’il a été muet dans sa communication officielle, qui s’adresse aux médias traditionnels et aux instances officielles, le joueur était bien plus loquace sur divers canaux où sa parole est moins contrôlée. Snapchats géolocalisés à tel ou tel endroit de la planète, selfies avec des coéquipiers, filtres et emojis pourraient laisser indirectement deviner ses intentions. S’il a posté cet Instagram à Dubaï, c’est qu’il va signer avec les Qataris ! Ou, s’il a utilisé l’emoji du drapeau espagnol, c’est qu’il va rester à Barcelone.
Spéculations, déjeuner à Dubaï et « likes » Instagram
Pour meubler en attendant l’inévitable épilogue, comment raconter une histoire qui se déroule essentiellement dans les coulisses du milieu du foot business, et dont seuls quelques bribes émergent via des tweets, des stories Instagram et des snaps ? La presse se retrouve obligée de ramasser ces miettes en ligne, de tenter de les interpréter pour reconstituer le puzzle en temps réel. Les derniers jours ont parfaitement illustré cette dynamique.
Samedi 29 juillet, Neymar était à Miami pour les derniers matchs de préparation de la tournée internationale de Barcelone. Il quitte ensuite son équipe pour se rendre, le 30 juillet, en Chine. Officiellement pour des raisons de sponsoring. On le découvre grâce aux photos postées sur Instagram du joueur. Instagram, comme Facebook ou Twitter, sont, pour les athlètes de la dimension de Neymar, essentiellement des outils de communication institutionnels, pour les sponsors, les événements officiels, les opérations de com, les messages un peu langues de bois.
En revanche, l’univers instantané de Snapchat est plus propice à contenir des indices sur ce que pense réellement le joueur. Lorsque Neymar quitte la Chine, le 1er août, pour les Emirats arabes unis, ça relance un round de spéculations, l’hypothèse de la séparation en cours : que veut dire sa story Instagram filmée dans l’aéroport de Dubaï avec la légende « un déjeuner à mi-chemin » ? Et un snap de l’intérieur d’un avion Emirates avec le drapeau espagnol ? Même s’il n’y a plus de vol direct entre Dubaï et Doha depuis que le Qatar subit un blocus saoudien, c’est assez conséquent pour meubler un moment.
Comme le note justement, à Franceinfo, Sébastien Bellencontre, ancien community manager de joueurs internationaux français, les stars du football sont très conscientes de l’image qu’elles renvoient sur les réseaux, et de l’attention extrême qu’elles suscitent :
« Certains joueurs sont parfaitement conscients de la capacité des fans à spéculer sur le moindre indice laissé sur les réseaux sociaux et s’amusent à les chatouiller. »
C’est clairement aussi le cas pour les journalistes dans la période agitée qui entoure le potentiel plus grand transfert de l’histoire du football. Avec l’heure de son snap et les informations sur les vols d’avions, il a été déduit que le vol de Neymar atterrirait à l’aéroport El Prat de Barcelone le 1er août à 20 h 55, heure locale.
A son arrivée, le Brésilien n’a rien dit, comme son père, arrivé la veille au même aéroport. A mille kilomètres de là, son agent, Wagner Ribeiro, publiait une image de la Tour Eiffel avec un message faussement cryptique :
« Paris merveilleux, celui de la Tour Eifel [sic], du vin, de la gastronomie et du FOOTBALL »
Le 2 août, dans la matinée, un communiqué officiel du FC Barcelone annonçait que Neymar avait demandé à quitter le club. Cette confirmation officielle du club aura presque autant de poids, pour marquer la fin de la saga, que la vidéo postée un peu plus tard par Lionel Messi sur son Instagram. Il remercie@neymarjr « de toutes ses années passées ensemble », actant son départ. Les derniers trajets de l’intéressé – de Barcelone à Porto le 2 août, où il est supposé avoir passé sa visite médicale – ont été couverts en temps réel.
Mais l’histoire n’est pas encore officiellement terminée. Il ne s’est pas encore adressé à la foule numérique qui le suit pour leur dire pourquoi et comment il en est arrivé là. Il s’est contenté pour l’instant de « liker » la vidéo de Messi.