Le podium du concours de saut à la perche des Mondiaux d’athlétisme à Londres. / KIRILL KUDRYAVTSEV / AFP

Renaud Lavillenie affiche un grand sourire lorsqu’il enlace Sam Kendricks, le nouveau champion du monde du saut à la perche. Aucune trace de déception sur le visage de celui qui vient pourtant encore d’échouer à conquérir un titre qui lui échappe depuis 2009 et ses premiers Mondiaux. Il faut dire que le scénario de cette finale n’a rien à voir avec les désillusions du passé. A Londres, mardi 8 août, le recordman du monde n’a cette fois-ci pas grand-chose à se reprocher, bien que la médaille d’argent des derniers Jeux olympiques 2016 se soit transformée en bronze, juste derrière le Polonais Piotr Lisek.

Contrairement à Rio l’année dernière, nul psychodrame ou polémique ne sont venus entacher la finale du saut à la perche. Renaud Lavillenie n’a pas été sifflé par les spectateurs et il n’a pas dérapé en incriminant le public local. « Il y a des sauteurs avec qui tu t’entends très bien, Sam en fait partie. Avec lui tu n’as pas le droit de faire la gueule, on s’entraide et c’est ce qui a poussé ce concours si haut. Je ne m’attendais pas à recevoir un tel accueil du public, qu’il y ait un tel engouement », a-t-il réagi avec fair-play.

Une saison compliquée

Conscient des limites du moment affichées par le champion olympique de… Londres, son entraîneur Philippe d’Encausse insistait sur la satisfaction d’avoir surmonté les méandres d’une saison compliquée, marquée par les blessures et les contre-performances : « Je lui tire mon chapeau. On savoure, parce que c’était loin d’être gagné d’avance. Quand, à quinze jours de l’événement tu n’arrives pas à faire 5,20 m et que le lendemain tu ne peux pas marcher parce que tu es perclus de courbatures et que tu te demandes pourquoi, tu te dis que les 5,89 m d’aujourd’hui paraissaient loin. »

Le perchiste français a d’ailleurs amélioré sa meilleure performance de l’année en effaçant 5,89 m à son dernier essai, avant d’échouer deux fois à 5,95 m et une fois à 6,01 mètres. Lavillenie est simplement tombé sur plus fort que lui en la personne de l’Américain Sam Kendricks, qui a réalisé un concours presque sans faute achevé avec brio à 5,95 m.

Ultradominateur en 2017, le jeune homme de 24 ans avait déjà battu quatre fois le Français avant de le dompter une nouvelle fois sur le sautoir du Stade olympique. En juin, il était devenu le 21e perchiste de l’histoire à franchir la barre mythique des 6 mètres. Dans le même temps, Renaud Lavillenie devait, lui, se contenter d’une performance moyenne, un saut à 5,87 m réussi à Lausanne le 6 juillet.

Sam Kendricks et Renaud Lavillenie, le 8 août. / KIRILL KUDRYAVTSEV / AFP

Passation de pouvoir ?

Officier de réserve de l’armée américaine, entraîné par son père Scott, ancien militaire de carrière, Sam Kendricks incarnerait à merveille un jeune premier d’une série américaine dont l’action se déroulerait au cœur de l’Amérique profonde. Ce fervent patriote, presque trop lisse, est désarmant de gentillesse et de sportivité. « On a sauté dix fois les uns contre les autres cette année. Nous ne sommes pas des étrangers. L’un de mes potes est polonais, l’autre est français. Parfois on gagne, parfois on perd. C’était une autre compétition fantastique aujourd’hui et j’ai dû aller haut pour m’emparer de l’or », a-t-il raconté.

En pleine force de l’âge, Sam Kendricks semble en pleine ascension quand le corps et le mental de Renaud Lavillenie, 30 ans, ne sont peut-être plus aussi affûtés. A-t-on assisté à une passation de pouvoir lors de ces Mondiaux de Londres ? Peut-on parler de déclin du champion ? « Il est trop tôt pour parler de déclin. C’est la première fois qu’il se blesse ainsi. C’est aussi la première année où il a eu besoin de couper pendant deux mois. Je pense que s’il se maintient en bonne forme, il peut encore tenir quatre ans aux alentours des 5,90 m », lance son ancien entraîneur Damien Inocencio.

Confronté à une nouvelle génération talentueuse, Renaud Lavillenie n’a pas l’intention de tourner la page. Il n’a pas dit son dernier mot dans une épreuve que les médias qualifient de maudite pour lui après ses échecs (relatifs) à Berlin, Daegu, Moscou, Pékin et désormais Londres. « Je suis content de ma régularité. Je préfère faire cinq médailles aux Mondiaux qu’une seule médaille d’or. Mais je ne désespère pas de l’avoir, maintenant il faut recommencer à se préparer pour 2019. » A Eugene, Oregon, siège de Nike et des prochains Mondiaux, Renaud Lavillenie jouera sa dernière carte s’il veut enfin s’emparer de l’or tant désiré.