La plaque en l’honneur du maréchal Pétain, sur Broadway, à New York. / CATHERINE TRIOMPHE / AFP

C’était le 26 octobre 1931, à New York. Philippe Pétain, maréchal de France, remontait Broadway, acclamé par la foule, sous une pluie de confettis, en compagnie du général américain John Pershing, commandant de la force expéditionnaire américaine en Europe en 1917, avant d’être reçu en grande pompe à la mairie.

Dans ce « Canyon des héros », où sont passés plus de deux cents défilés depuis l’inauguration de la Statue de la Liberté en 1886, l’Amérique honorait le vainqueur de Verdun. Ce dernier eut droit à une plaque commémorative scellée sur la célèbre avenue de Manhattan. Elle y était encore, avec un « Phillippe » affublé de deux « l », tombée dans l’oubli, jusqu’à ce que survienne, avec les événements de Charlottesville, la vague de déboulonnage des monuments à la gloire des Sudistes pendant la guerre de Sécession.

Le maire démocrate de New York, Bill de Blasio, candidat à sa propre réélection en novembre, n’a peut-être pas beaucoup de monuments pro-sécessionnistes à mettre à bas dans sa ville, mais il entend néanmoins prendre sa part. « Après les événements violents de Charlottesville, la ville de New York va faire une revue de trois mois de tous les symboles de haine sur son territoire », annonce sur Twitter Bill de Blasio, qui ajoute : « La plaque commémorative pour le collaborateur nazi Philippe Pétain dans le Canyon des héros sera l’une des premières à être enlevée. »

Realpolitik

Toutefois, l’opération devrait avoir lieu de manière ordonnée : une commission composée d’experts et de représentants des diverses communautés devra définir les critères et émettre des recommandations. Seront visés en grande priorité les monuments ayant des liens avec le nazisme et l’esclavage. Le sujet est particulièrement sensible dans une ville anti-Trump qui compte de fortes communautés juive et afro-américaine.

Mais pourquoi ces plaques n’ont-elles pas été enlevées plus tôt ? Sans doute parce que les parades eurent lieu avant la seconde guerre mondiale. On peut aussi rappeler que les relations des Etats-Unis avec Pétain au début de la guerre furent complexes. Washington reconnut pleinement le régime de Vichy, et ce jusqu’à novembre 1942, après l’invasion de la zone sud française, riposte allemande au débarquement allié en Afrique du Nord.

Et pour diriger le Maghreb, Roosevelt préféra alors cyniquement l’ancien premier ministre de Pétain, l’amiral Darlan (assassiné en décembre 1942), à la France libre. Dans ces années de guerre, la realpolitik domine : Roosevelt voulait garantir que la flotte française ne passerait pas aux mains de l’Axe, faciliter les opérations de guerre notamment en Afrique du Nord et… éviter à tout prix De Gaulle.

Une autre plaque, moins célèbre, commémore une parade intervenue cinq jours avant celle de Pétain, le 22 octobre 1931 : celle de Pierre Laval, jeune président du conseil de la troisième République (48 ans), alors désigné homme de l’année par le magazine Times, et qui fut fusillé à la Libération. Elle sera aussi retirée.