Le passage de l’ouragan Harvey dans le sud du Texas a laissé derrière lui un paysage de dévastation. Les rues de Houston, quatrième métropole des Etats-Unis avec 2,3 millions d’habitants, sont devenues des rivières, et des quartiers entiers ont été transformés en lacs.

Les impressionnantes images des dégâts ont été diffusées par les médias du monde entier, ouvrant les JT et reproduites, le plus grand possible, sur les « unes » des sites et des journaux papier. Sur les réseaux sociaux, qui ont servi dans la précipitation à l’entraide et à l’organisation des secours, d’autres images et vidéos ont été diffusées, commentées et partagées : des rescapés documentant les dégâts avec leur téléphone, filmant des histoires qui remontent le moral (le chien abandonné et finalement sauvé, la grand-mère récupérée dans son salon par un jet-ski) ou provoquent la colère (les magasins vendant des packs d’eau à 30 dollars).

Parfois, ces images étaient fausses (des requins, Obama qui participe aux secours… Les Décodeurs ont recensé les plus virales). Et parfois, celles que l’on prenait, au premier coup d’œil dans nos flux, pour des fakes étaient bien réelles. Comme, par exemple, les colonies amphibies de fourmis de feu.

Ces masses informes et rougeâtres flottant dans les eaux troubles, prises en photo par des habitants de la région de Houston, sont vivantes. Elles sont composées de centaines de milliers de fourmis de feu (Solenopsis invicta) qui ont survécu aux inondations en construisant des radeaux avec leurs corps. Les colonies, vivant habituellement sous terre, sont devenues des vaisseaux, capables de naviguer à la dérive plusieurs jours jusqu’à ce qu’elles trouvent une surface sèche.

Ces fourmis « augmentent considérablement leur imperméabilité en accrochant leurs corps les uns aux autres, un processus que l’on pourrait comparer au tissage d’une fabrique imperméable », dit une étude sur le sujet datant de 2011. Les œufs, les larves et la reine sont en sécurité sans la partie émergée. En dessous, des ouvrières tournent pour maintenir la colonie à flot en évitant de se noyer.

On pourrait croire que c’est un phénomène isolé. Une photo, diffusée par un habitant de la ville de Cuero, entre Houston et San Antonio, montre qu’il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de fourmis de feu qui s’en sont sorties.

On ne va pas reprocher aux fourmis de feu leur ingéniosité ou leur capacité de survie. Le problème, avec cette espèce, est qu’elle est extrêmement agressive. Si elles se sentent menacées, elles attaquent en masse. Elles mordent et ne lâchent pas, comme le raconte Wired :

« Si vous naviguez dans une zone inondée et que vous percutez un radeau de 100 000 fourmis de feu, votre journée va tout de suite devenir beaucoup plus compliquée. Les fourmis vont monter sur votre bateau, vous mordre et ne pas vous lâcher, même si vous allez sous l’eau. »

Même si les morsures ne mettent que rarement en danger la vie de l’homme, l’image est cauchemardesque. La seule façon de se débarrasser d’une horde de fourmis de feu est de les asperger d’un mélange d’eau et de savon. Cela les oblige à lâcher prise sur votre corps et disloque leur radeau improvisé.

A ceux qui critiqueraient cette mise à mort massive d’un insecte qui ne cherche qu’à survivre, rappelons que les fourmis de feu sont, littéralement, un fléau dans le sud des Etats-Unis. Arrivée dans des cargaisons de bateau en provenance d’Amérique du Sud, Solenopsis invicta a progressivement infesté tout le sud du pays, de l’Arizona jusqu’en Floride. C’est une espèce coriace et difficile à éradiquer. Et comme le dit Alex Wild, entomologue à l’université du Texas, une fois que l’eau baissera, « les fourmis de feu seront les premières à se jeter sur les ressources ».