Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH) a accusé, mercredi 30 août, le Venezuela de « réprimer des voix critiques et d’instiller la peur parmi la population ».

« L’usage systématique et généralisé de la force lors des manifestations et la détention arbitraire de manifestants ou d’opposants politiques indiquent qu’il ne s’agit pas d’actes illégaux et secrets d’officiels isolés », estime le rapport.

Le président vénézuélien Nicolas Maduro « a été élu par le peuple », a reconnu le Haut-Commissaire Zeid Ra’ad Al-Hussein devant les médias à Genève, mais les récentes actions du gouvernement « donnent l’impression que ce qu’il reste de la vie démocratique au Venezuela est en train d’être écrasé ».

Interrogé sur les commentaires du président français, Emmanuel Macron, qui a qualifié mardi le régime du président Maduro de « dictature », M. Zeid a confirmé qu’il y avait eu « une érosion de la vie démocratique ». De son côté, le président vénézuelien a qualifié les propos de M. Macron de « déclarations lamentables », ajoutant qu’ils constituaient « une ingérence claire dans les affaires intérieures » du pays.

Des traitements « inhumains » en détention

L’analyse réalisée par le Haut-Commissariat a découvert que sur les 124 morts liées aux manifestations et violences des derniers mois, 46 étaient imputables aux forces de sécurité et 27 à des groupes armés progouvernementaux. En s’appuyant sur un rapport de l’avocat général vénézuelien, l’ONU estime que cinq morts sont dues aux militants anti-Maduro et que d’autres cas restent troubles.

« Les personnes détenues par les forces de sécurité ont souvent été soumises à un traitement, ou une punition, cruel, inhumain ou dégradant », dénonce notamment le rapport, qui pointe du doigt des pratiques comme l’utilisation de chocs électriques, des passages à tabac, ou même des menaces de viol et de mort. Le Haut-Commissariat souligne également des manquements à la loi dans le cadre des arrestations et de la détention de manifestants et d’opposants, parfois empêchés d’accéder à un avocat, ou arrêtés sans mandat.

Au cours des manifestations, les forces de l’ordre sont accusées de se servir des armes les moins létales de façon inappropriée, en tirant par exemple des grenades lacrymogènes directement à courte portée, ainsi que des balles en caoutchouc, en visant parfois des zones vulnérables du corps. Par ailleurs, au moins 27 manifestants ont été tués avec des armes à feu par les forces de sécurité vénézuéliennes, selon le rapport.

Certains manifestants radicaux opposés au régime de Maduro ont utilisé des méthodes d’action violentes, pointe le rapport de l’ONU. Selon le gouvernement, neuf membres des forces de sécurité ont été tués avec des armes à feu au cours des manifestations. Selon les estimations de l’ONU, au moins quatre personnes ont été tuées par des individus ou des groupes apparentés à l’opposition antigouvernementale.

Une profonde crise politique

Le Venezuela est plongé depuis des mois dans une profonde crise économique, politique et institutionnelle. Son président, Nicolas Maduro est confronté à des manifestations régulières de l’opposition qui réclame sa démission, au cours desquelles au moins 124 personnes ont perdu la vie.

Le 17 août, l’Assemblée nationale constituante élue à la fin du mois de juillet dans le sang, et issue du chavisme, s’est arrogé les pouvoirs qui incombaient à l’Assemblée nationale, dominée par l’opposition à Nicolas Maduro. Plus tôt, à la fin du mois de mars, la Cour suprême s’était attribué les pleins pouvoirs législatifs, en déclarant que l’Assemblée nationale s’était mise « hors la loi ». La Cour avait été contrainte de reculer face aux protestations.

Le principal syndicat de journalistes du Venezuela a récemment dénoncé les nombreuses fermetures de médias par le gouvernement, et certains pays se sont vivement inquiétés des actions du gouvernement Maduro depuis l’élection de la Constituante. Le ton est surtout monté avec les Etats-Unis, alors que le président Donald Trump a imposé vendredi de nouvelles sanctions au Venezuela – les premières frappant le pays en tant que tel – visant à restreindre l’accès aux capitaux étrangers, dont il a un besoin crucial pour éviter un défaut de paiement.