L’incendie au musée d’Abomey relance le débat sur la conservation des trésors du Bénin
L’incendie au musée d’Abomey relance le débat sur la conservation des trésors du Bénin
Par Olivier de Souza (contributeur Le Monde Afrique, Abomey, envoyé spécial)
Alors que le pays tente de récupérer les biens culturels conservés en France, l’accident, qui n’a pas affecté les collections, est du plus mauvais effet.
Sur le sol noirci, quelques objets en cuivre ou en bronze, des bijoux calcinés, des morceaux de toiture dévorés par les flammes, des bouts de pagnes réduits en cendres... Dans la nuit du lundi 28 au mardi 29 août, un incendie a ravagé la partie ouest de la cour intérieure du Musée historique d’Abomey, situé dans l’enceinte des anciens palais construits par douze rois successifs entre le XVIIe et le XIXe siècle, au Bénin.
Les collections du musée n’ont pas été touchées, mais treize des 28 stands d’exposition-vente et ateliers de produits artisanaux sont partis en fumée, occasionnant des dégâts évalués à 50 000 euros. « Il faudra tout reconstruire », lâche, résigné, un artisan qui a perdu son atelier de teinturerie.
L’incendie, qui s’est déclaré vers 1 heure du matin, a été maîtrisé plus d’une heure après. Il a endommagé le portail ouest du musée et fragilisé une partie de l’enceinte en terre cuite vieille de plus de deux siècles, noircie par le feu et désormais parcourue par une lézarde qui compromet la durabilité de l’ouvrage. Selon Urbain Hadonou, le conservateur, les premières conclusions de l’enquête montrent que l’incendie a été déclenché par un court-circuit.
Face à la vague d’inquiétudes qu’a entraînée l’accident, et alors que des médias locaux ont publié des articles alarmistes sur l’état du patrimoine culturel national, le conservateur du musée se veut rassurant : « Les objets conservés au musée n’ont pas été atteints. Seule la branche artisanale du musée a été touchée par le feu, précise-t-il. Mais chaque fois qu’il y a un problème en rapport avec le musée, diverses interprétations tentent de ternir le travail abattu ici pour garder intact notre trésor culturel. »
Vitrines poussiéreuses
Selon Urbain Hadonou, ce genre de réactions dessert la politique du gouvernement visant à obtenir le rapatriement des biens enlevés par la France pendant la conquête coloniale, à la fin du XXe siècle. De fait, l’argument invoqué à Paris pour refuser d’accéder à cette demande du Bénin est que le musée ne remplirait pas les normes de sécurité et de conservation nécessaires à l’accueil des œuvres. Alors que les gouvernements des deux pays continuent les pourparlers, cet incendie est du plus mauvais effet – tout comme les souris et les margouillats qu’abrite le lieu et, plus encore, les quelque 300 vols qu’ont connu ses vitrines poussiéreuses depuis le début des années 2000.
Malgré la bonne foi du conservateur, nombreux sont les habitués des lieux pour qui le Musée historique d’Abomey a besoin d’un coup de neuf. Rencontré non loin du site, Thomas, un touriste français de 48 ans qui se dit amoureux de la ville historique, estime ainsi qu’« une légère modernisation du musée serait idéale ». « Il faudrait que l’Etat investisse dans des équipements modernes de conservation, dit-il. Ainsi la France n’aurait plus de raison de ne pas restituer les trésors. »
« Nous en sommes à quatre incendies [ayant touché les palais royaux d’Abomey] en moins de dix ans et aucune mesure n’est prise », a déploré Marie-Cécile Zinsou, présidente de la Fondation Zinsou (qui œuvre dans les secteurs artistique et culturel au Bénin), dans une interview au site Banouto, mercredi 30 août : « Que faut-il au ministère de la culture pour se décider à agir ? C’est incompréhensible et révoltant. »
Les palais royaux d’Abomey, qui s’étendent sur une superficie de 47 hectares, ont été classés en 1985 au patrimoine mondial de l’Unesco. Le musée occupe les palais des rois Guézo et Glèlè et accueille 20 000 visiteurs chaque année. Un chiffre en baisse en raison de la situation géopolitique dans la région, marquée par notamment par les attaques de Boko Haram au Nigeria voisin.