Voilà seize ans que les Six jours internationaux d’enduro, plus grande compétition mondiale de moto tout-terrain, n’avaient pas été organisés en France. Pour leur 92e édition, ils retrouvent, depuis le 28 août et jusqu’au samedi 2 septembre, les chemins de Brive-la-Gaillarde, la cité corrézienne qui les accueillait déjà en 2001.

Partis chaque matin pour une étape en boucle de 250 à 270 kilomètres ponctuée d’une spéciale chronométrée, 650 concurrents – professionnels ou amateurs – et 150 inscrits au Vintage Trophy des motos anciennes, convergent l’après-midi jusqu’au vaste paddock installé sur un ancien aérodrome. Dans le bruit mais sans fureur.

L’actuel maire (LR) de Brive, Frédéric Soulié, 51 ans, était adjoint aux sports à la mairie, en 2001, quand Jean-François Buisson, jeune président du club voisin d’Uzerche, est venu lui demander si sa commune serait preneuse des Mondiaux d’enduro. « Avec Jean-François, on a matché dès le départ », dit-il. Les Six jours sont un succès, avec 100 000 spectateurs au total.

“Si c’est vous, c’est oui”

« Seize ans après, lorsque le même Jean-François Buisson m’a demandé si on pouvait recommencer, je lui ai dit : Si c’est vous, c’est oui. » En bon politique, Monsieur le Maire aligne les chiffres : les retombées économiques de l’événement pour la commune sont évaluées à 8 millions d’euros, c’est-à-dire le double par rapport à 2001. Loin cependant des 53 millions de retombées annuelles d’une équipe du Top 14 de rugby, selon le comité d’organisation.

Passage stratégique et caillouteux de la spéciale du 29 août, courue sur l’ancien aérodrome de Brive-la-Gaillarde. / CAP

A 56 ans, Jean-François Buisson se retrouve donc à nouveau à la manœuvre. Le président du comité d’organisation est à la tête d’une équipe de plus de 800 bénévoles et jongle avec les devis, les fournisseurs, les sportifs, les écuries… Le budget, estimé à 1,5 million d’euros, n’était toujours pas bouclé au 25 août, selon l’organisateur. « On a des devis pas finis. Comme celui, à l’instant, du paiement dématérialisé des terminaux bancaires, un budget de plus de 20 000 euros : j’ai signé il y a une heure ! »

Les ISDE 2017 pratique

Trois grandes familles constituent la discipline « moto tout terrain » : le motocross, où tous les concurrents, ensemble, enchaînent les tours sur un circuit fermé de terre et rocailles ; l’endurance, où le circuit est beaucoup plus long, avec un départ groupé sans grille, comme au Touquet ; et l’enduro, qui additionne la régularité d’une boucle sur tracé ouvert aux spéciales chronométrées.

Programme

  • Du 28 août au 1er septembre, les 800 pilotes inscrits parcourent des boucles de liaison de 250 km à 280 km, dont 5 spéciales quotidiennes chronométrées de 5 km.
  • Le cross final du samedi 2 septembre clôt la compétition à Brive. Les concurrents partent par groupe de 45 pour une course sur terrain fermé de vingt-cinq minutes.
  • Les spéciales sont en accès gratuits, la dernière journée est payante : 13 à 16 euros pour la course, 36 euros avec la soirée-concert.

Vérification technique à l’arrivée pour les 800 motards engagés dans les ISDE 2017, à l’issue de la deuxième spéciale, le 29 août à Brive (Corrèze). / CAP

Après seize ans d’absence, le petit monde de l’Enduro se retrouve donc à Brive. Peu de choses ont changé en apparence, si ce n’est les devis qui ne sont plus libellés en francs. « C’est beaucoup plus compliqué, administrativement et juridiquement, tout le monde ouvre le parapluie, personne ne veut prendre de responsabilité », tempère Jean-François Buisson.

Les exigences en matière de sécurité sont plus contraignantes. Malgré toutes les précautions, un Britannique, Michael Alty est mort, lundi 28 août, victime d’un malaise cardiaque sur sa KTM. Agé de 50 ans, il courait en amateur, pour le plaisir. Un hommage lui sera rendu samedi. « L’enduro est un sport extrêmement difficile et dangereux, très impressionnant, qui demande une condition physique, une gestion de conduite et une stratégie méconnue du grand public », rappelle Frédéric Soulié.

« On pratique l’enduro dans des régions agricoles où l’outil a toujours aidé l’homme »
Frédéric Weill, entraîneur de l’équipe de France

Dangereux, sale et bruyant, le motocross ? « L’enduro a plus des problèmes d’organisation que d’image, répond Frédéric Weill, entraîneur de l’équipe de France depuis 1996. On le pratique dans des régions agricoles où l’outil a toujours aidé l’homme. La seule différence avec le passé est que l’on ne peut plus rouler n’importe où, n’importe quand, chez n’importe qui. On demande l’autorisation. »

La poussière recouvre concurrents, spectateurs et bénévoles indifféremment, le 29 août à Brive, lors des ISDE 2017. / CAP

Le respect de l’environnement est davantage pris en compte. « Si on veut continuer à pouvoir rouler en moto, il faut préserver la nature, 90 % des motards en sont conscients », assure Laurent Bardy, 47 ans, qui a succédé à Jean-François Buisson à la présidence du club d’enduro d’Uzerche en 2009. En pratique, de petits ponts ont été érigés au-dessus des ruisseaux pour éviter de polluer l’eau. Le comité d’organisation a même commandité une étude d’impact environnemental.

Le maire de Brive n’a pas relevé de protestation de la part des associations environnementales. « L’enduro est dur, bruyant, mais c’est supportable », estime l’édile, qui se souvient tout de même que, pour se plier à la réglementation sur la protection des batraciens dans une zone proche de l’ancien aérodrome de Brive, qui accueille les infrastructures, « on a dû déménager [certaines installations] quand il y a eu la ponte des œufs ».

Sportivement aussi les règlements ont bougé. « Avant, l’épreuve était réservée à l’élite, rappelle Frédéric Weill. Elle est désormais ouverte à tous, et le nombre de pilotes engagés est passé de 400 à 800. »

L’Equipe de France d’enduro 2017

Entraînées par Frédéric Weill, les trois catégories sont composées cette année, de 4 pilotes en équipe Trophée et de 3 pilotes en Féminine et Juniors. Désormais, tous les résultats comptent ; auparavant, seuls les 4 meilleurs temps des 6 pilotes étaient retenus.

Equipe Trophée : Christophe Charlier, Jeremy Tarroux, Loïc Larrieu et Christophe Nambotin, dont c’est la huitième sélection.

Equipe féminine : Audrey Rossat (8 sélections également), Juliette Berrez et la rookie Samantha Tichet.

Equipe Juniors : premières participations pour Jérémy Miroir et Hugo Blanjoue, et l’expérimenté Anthony Geslin.

Sur la piste qui jouxte les paddocks, les bénévoles en gilet jaune ont plutôt la quarantaine, voire plus, et pas franchement des physiques d’athlètes. Chaussures de randonnée aux pieds, ils se donnent sans compter, malgré les 35 °C. La poussière recouvre sans distinction spectateurs, coureurs et organisateurs. Seul réconfort : le stand glaces et fraises-chantilly de la ferme des Parettes.

Six motards de l’île de Mann refont, chaque jour, après les concurrents, le circuit des Internationaux d’enduro 2017. / CAP

Six motards bedonnants, vêtus de cache-poussière semblables à ceux des westerns d’antan, garent leurs motos et se dirigent vers un point stratégique du tracé, près d’une butte, à l’ombre. Ce sont des Britanniques venus de l’île de Man. Durant les Six jours, ils attendent le passage des concurrents et parcourent le même circuit que ces derniers, avant d’aller prendre une bière à la buvette.

Dans l’attente des premiers concurrents, les fans arrivent, de tous âges et de toutes nationalités. Deux jeunes filles tchèques ont sorti un large drapeau. Mais ce sont les Chiliens les plus nombreux : leur pays sera l’hôte de l’édition 2018 des Six jours. L’ambiance s’apparente davantage à celle d’une kermesse qu’à une compétition sportive de haut niveau.

Aucun pays ne s’est encore porté volontaire pour accueillir l’édition 2019. Il n’y a pas non plus de candidat à l’organisation de Grand Prix de France 2018. Et la mairie de Brive a décidé de transformer l’ancien aérodrome en zone d’activité industrielle. L’enduro respire la poussière – ou la boue, selon le temps –, pas l’argent.